Un petit coin de Russie au cœur du Tessin
De plus en plus de citoyens de l’ex-empire soviétique s’installent à Lugano. Ils ont fondé une communauté en créant une école, une église et de nombreuses sociétés....
Depuis quelques années, les rives des lacs du Tessin exercent une grande fascination sur les Russes. Alors qu’au XVIII e siècle, les architectes tessinois au service du tsar ont apporté une contribution importante à la construction de Saint-Pétersbourg et de Moscou, aujourd’hui ce sont les citoyens de l’ex-empire soviétique qui modifient le paysage du sud des Alpes en s’installant dans de prestigieuses demeures. Le district de Lugano recense près de 850 ressortissants des pays de l’Est, alors que l’ensemble du canton en accueille 1144.
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Des résidents qui privilégient les communes périphériques au centre-ville et qui recherchent une vue imprenable sur le lac Ceresio. Le nec plus ultra se situe sur la bien nommée Collina d’Oro. Contiguë à Lugano, cette commune offre non seulement un panorama à couper le souffle mais aussi une fiscalité généreuse.
L’intérêt des Russes pour Lugano s’est manifesté il y a environ une décennie et a clairement augmenté ces dernières années. Le bouche-à-oreille ainsi que la création de sociétés spécialisées dans leur accueil, proposant notamment la prise en charge des démarches administratives et la recherche du logement, ont contribué à cet afflux croissant. Résultat, un petit coin de Russie s’est formé dans la région.
Des cours en cyrillique -
Pour que les enfants ne perdent pas leurs racines culturelles, une école russe a ouvert à Lugano en 2008, avec des cours en cyrillique et en italien. L’enseignement est complété par des chants, des danses et des festivités traditionnels. Pour les plus grands, on trouve à Collina d’Oro le siège de l’ American School in Switzerland (Tasis) , qui garantit une formation universitaire de haut niveau ainsi qu’une discrétion absolue.
Un aspect particulièrement apprécié des riches familles provenan des pays d’Europe de l’Est. Victime de son succès, en 2013 l’école universitaire a dû créer une liste d’attente pour les étudiants d’origine russe pour ne pas dépasser le taux de langue russe fixé à 12%. Néanmoins, près de 200 étudiants originaires de ces régions sont inscrits à la Tasis. L’aspect religieux est aussi présent puisque la communauté russe locale s’est offert une église à Melide, achetée aux protestants. Le président de l’Eglise orthodoxe russe Nicolas Zernoff y exerce un office religieux tous les dimanches. Le lieu est devenu un véritable emblème de la communauté russe au Tessin.
L’intégration dans le tissu social local passe aussi par une passion commune entre les pays de l’Est et le Tessin: le hockey. Sergiy Kasyanov, PDG du groupe agricole KSG Agro et ancien gouverneur de la région de Dnipropetrovsk, est actif depuis de nombreuses années dans la région. Il a notamment participé au financement du projet, élaboré par le fameux architecte Mario Botta, pour la nouvelle patinoire du HC Ambri-Piotta. Un projet aujourd’hui en péril à cause des difficultés à réunir les fonds nécessaires.
Sergiy Kasyanov a commencé sa carrière en important du dentifrice et du shampooing en Ukraine. Au début des années 2000, il a vendu sa société de distribution à Procter & Gamble. Lors de l’entrée en bourse de KSG Agro, il a cédé un tiers de ses parts pour 40 millions de dollars.
Autre personnalité ukrainienne, Yuriy Pecherskyy. Cet ancien député du Parlement régional d’Odessa était actionnaire de la compagnie d’électricité Odessaoblenergo. Désormais, il gère ses affaires depuis Lugano via sa société Formatron Industrie, tandis que sa femme s’occupe de la Fedorova Cultural Foundation.
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Cette communauté représente une clientèle intéressante pour les boutiques de la luxueuse rue Nassa de Lugano, mais aussi pour le business en général. Ainsi, le centre Manor de Lugano propose une section consacrée aux produits alimentaires russes, tandis que le magazine Ticino Management publie tous les trois mois une édition en russe destinée aux résidents.
Lugano est aussi idéal pour les amateurs de mode, grâce à sa proximité avec Milan. En moins d’une heure de route, il est possible de flâner le long de la Via Monte Napoleone où se trouvent les boutiques des plus célèbres créateurs italiens. On observe d’ailleurs de nombreuses robes griffées lors des soirées caritatives qui se sont multipliées. Ainsi, un bal du printemps se déroule chaque année à Lugano. Un événement très glamour que ne manque jamais le modèle Olga Savrasova.
Son mari, Denis Savrasov, a été le deuxième importateur de poissons de Russie avec un chiffre d’affaires de 80 millions de francs. En 2014, lorsque sa société, Atlant-Pacific , a fait faillite à cause de la chute du rouble et d’une perte de parts de marché, le couple était déjà établi au Tessin.
Enfin, le domaine primordial de la santé n’est pas en reste. Spécialisée dans les naissances, la clinique privée Sant’Anna, qui appartient au groupe Swiss Medical Network (ex-Genolier), profite aussi de cette manne. Les Russes occupent la troisième place en termes de clientèle, juste après les Suisses et les Italiens. Pour les amateurs de ragots, selon le quotidien Blick , c’est dans cet établissement que serait née, en 2015, la fille du président russe Vladimir Poutine et de sa compagne Alina Kabaeva.
Une fiscalité favorable -
Cependant, les principales raisons qui mènent les citoyens de l’ex-URSS vers Lugano sont d’ordre économique, fiscal et commercial. Le prix de l’immobilier de luxe est nettement plus abordable au sud des Alpes qu’à Genève ou Zurich. Il est possible d’y construire la maison de ses rêves sans débourser des dizaines de millions. Sur le plan fiscal, l’imposition selon la dépense (forfait fiscal) proposée par le Tessin aux riches étrangers est l’une des plus intéressantes du pays.
Le canton recense presque 1000 contribuables de ce type, ce qui, au niveau suisse, le place juste derrière Vaud et le Valais. Enfin, il se positionne sur la troisième marche du podium helvétique tant au niveau bancaire que comme centre pour le trading de matières premières. Les Russes et les Italiens sont les principaux acteurs de ce secteur.
L’essor de cette activité est lié à la redomiciliation, à la fin des années 1980, du Brésil vers la Suisse de Bruno Bolfo. Le fondateur de Duferco , grande entreprise mondiale du commerce de l’acier avec plus de 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, souhaitait exploiter les nouvelles possibilités offertes à la suite de la chute de l’URSS.
Aujourd’hui, les sociétés russes actives dans le négoce basées à Lugano se comptent par dizaines. Mentionnons, parmi les plus connues, la Magnitogorsk Iron and Steel Works (MMK) qui appartient au magnat Viktor Rashnikov, dont la fortune est estimée à 5 milliards de dollars. Son frère Sergey habite à Lugano, où il dirige Star Globe, spécialisée dans le trading de l’acier.
Selon les chiffres fournis par Marco Passalia, député au Grand Conseil tessinois et secrétaire de Lugano Commodity Trading Association (LCTA) , la place tessinoise occupe 1500 personnes dans 80 sociétés actives dans ce secteur. On reste très loin de Genève et ses 400 entreprises avec 8000 employés, mais l’attractivité du Tessin est en hausse. Au final, si on ajoute à ces multiples avantages la douceur du climat méditerranéen, la tranquillité et la discrétion typiquement helvétiques, le Tessin se positionne comme un sérieux concurrent lorsqu’une grande fortune envisage un déménagement.
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