Tinder, Pokemon Go, Snapchat: les recruteurs innovent

Recruter via Tinder? Certaines société ont tenté la démarche.
Crédits: Image: DRDans les années 1980, le recrutement passait obligatoirement par les petites annonces dans la presse papier. Le processus était connu depuis des décennies: une annonce décrivant le poste à pourvoir, un contact, puis les entretiens et ensuite le choix du candidat idéal. Dans les années 1990, l'arrivée du web bouleverse les habitudes: les entreprises commencent à mettre en ligne les annonces pour les postes à pourvoir. Nouvelle révolution dans les années 2000 avec les plateformes dédiées sur des sites web, voire même sur le mobile à l'arrivée des smartphones et de leurs apps. Et la décennie 2010 semblait promise aux réseaux sociaux avec l'émergence des LinkedIn, Xing, Viadeo,... Désormais, les recruteurs pouvaient consulter le CV, s'informer du parcours et même contacter un professionnel même s'il n'avait pas postulé.
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Mais certains recruteurs ont déjà dépassé ces solutions. Effet de buzz ou réelle innovation, certains vont utiliser des solutions qui n'ont pas été pensées dans un but professionnel pour dénicher la perle rare ou toucher des profils qui n'auraient pas d'eux-mêmes pensé à postuler ou eu vent des postes à pourvoir. Cette tendance ne faisait en fait que répondre à celle des candidats cherchant à se distinguer de la masse en présentant des candidatures originales.
Netflix recrute sur Instagram
Logiquement, les pionniers de ces «détournements d'usages» sont issus de l'univers tech. Ainsi, Netflix a commencé début 2016 à recruter via Instagram. L'app de photos et de vidéos détenue par Facebook a été utilisée par le nouveau géant de la télé pour recruter des spécialistes de l'image dont les missions seront justement de documenter les lieux de tournage des films et séries de la plateforme.
D'autres géants de la tech agissent de même, mais en choisissant d'autres plateformes originales. Ainsi, Amazon va recruter des ingénieurs sur... Tinder! La photo de profil demandée par l'app de rencontres est remplacée par un logo accompagné d'un court descriptif du poste avec l'adresse de contact. Une démarche plus originale encore que celle de Netflix sur Instagram, car le type de poste n'a pas de lien direct avec la plateforme choisie pour poster l'annonce. Et le risque également de générer un effet négatif, l'utilisateur interprétant la démarche comme une intrusion dans sa recherche.
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Mais l'initiative n'est pas isolée. D'autres recruteurs choisissent les apps de rencontre pour cibler les potentiels candidats et les toucher. En France, l'agence digitale The Links s'est tournée vers Tinder et Happn (autre app de rencontre sur mobile) pour trouver des candidats, ainsi que l'explique Cyrille Chaudoit, responsable de l'innovation dans l'agence au quotidien Ouest France: «Récemment, pour un poste en CDI, je suis rentré en contact avec des profils sur Tinder ou Happn. Ce sont des plateformes de rencontres mais je les détourne quelque peu en expliquant que je suis là pour proposer une offre d’emploi à des personnes qui utilisent régulièrement des réseaux sociaux très ciblés. Et cela a fonctionné».
Souvent, ce sont les nouveaux acteurs de la tech eux-mêmes qui détournent leur invention pour recruter. Ainsi, Snapchat a ciblé en 2014 et 2015 une série de talents chez les concurrents et, après avoir vérifié qu'ils disposaient d'un compte sur l'app de messagerie, leur a envoyé un snap personnalisé pour les inciter à changer d'employeur.
@evanspiegel nice try pic.twitter.com/TfuCCYjq3r
— Jonah (@jonah) 16 avril 2015
Réalité augmentée pour job réel
Cette première incursion dans un univers a priori étranger au monde des RH a été récemment suivie d'autres tentatives. Le phénomène Pokémon Go n'a pas échappé à The Links et Cyrille Chaudoit a lancé un happening très particulier en déposant au pied du siège de l'agence un leurre digital sur le jeu de réalité augmentée: «Ce dernier va attirer les Pokemon. Les meilleurs chasseurs seront retenus pour un entretien final. L’idée est de proposer un moment ludique pour ceux qui veulent juste chasser le Pokémon mais aussi pour ceux qui pensent que ces activités peuvent devenir des compétences professionnelles. Ceux-ci auront préalablement déposé un CV sur notre site», détaille-t-il.
Si ces initiatives visent à hameçonner les éventuels candidats ou du moins à en toucher le plus grand nombre, d'autres solutions originales concernent la suite du processus de recrutement. Ainsi pour le traditionnel entretien d'embauche: l'interminable entretien avec deux ou trois interlocuteurs aux missions bien précises et positionnés derrière une table est-il définitivement dépassé? Certains avaient déjà tenté de s'inspirer de l'esprit startup en adoptant le format du pitch, avec trois minutes pour convaincre ses recruteurs. D'autres ont encore été plus loin.
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Dès 2013, à l'occasion du festival américain South by Southwest, Pizza Hut recrutait un community manager de manière originale: sur place, les éventuels candidats confiaient leur smartphone aux recruteurs qui allait sur le profil LinkedIn du postulant avec ses propres accès, et ensuite une vidéo était tournée avec le candidat, dans laquelle il pouvait exprimer sa motivation en 140 secondes, soit autant que de caractères sur Twitter.
Des vidéos Snapchat en 10 secondes max
Plus loin encore dans cette direction, une agence norvégienne s'est emparée de la fonction vidéo de Snapchat. DDB Oslo a proposé des postes de stagiaires (avec recrutement possible à la clef) en invitant les candidats à exprimer leur motivation via une vidéo ultra courte (entre 1 et 10 secondes). «Les meilleurs concepts sont souvent les plus simples et peuvent être énoncées en moins de dix secondes», précise Finn Knudsen, directeur de la création chez DDB Oslo.
Réseaux sociaux, jeux en ligne, vidéo ultra-courte, réalité augmentée,... toutes les solutions sont explorées. Même les plateformes de la sharing economy. A l'automne 2015, l'agence de publicité Havas détournait Airbnb pour poster une annonce de recrutement. Le potentiel stagiaire (avec là aussi la possibilité de décrocher un job pérenne au terme du stage) pouvait visiter ses futurs bureaux à la manière d'un appartement qu'il aurait pu louer pour quelques jours: ambiance startup au programme avec des peluches, un ballon de basketball, un billard et surtout un chihuahua sur toutes les photos...
Car la tendance est désormais bien implantée. Même les grands groupes ont repris ces méthodes initiées par les startups. Et alors que Bertrand Piccard et André Borschberg viennent de boucler leur tour du monde en avion solaire, il n'est pas inutile de rappeler qu'Altran, partenaire de Solar Impulse, avait aussi recruté des ingénieurs en s'appuyant sur le projet né en Suisse: la firme avait proposé de piloter l'appareil et avait retenu les meilleurs candidats via ce serious game...
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