Skieurs sur piste: vous n’êtes pas oubliés
Difficile de passer à côté du boom du ski freestyle et freeride au cours des dernières années. Les disciplines sont spectaculaires. Pourtant, les pistes attirent du monde et ne requièrent pas les mêmes lattes. Rencontre avec les patrons d’EDL Ski et XO, deux marques suisses.

Il est 8h45. La dameuse est passée quelques heures et vous allez laisser les premières traces sur la neige. Ce public est celui que ciblent des marques telles que EDL Ski ou XO. Leurs fondateurs se concentrent sur les férus de pistes, au contraire de ceux lancés sur le marché du freeride ou du freestyle. Deux disciplines qui font le bonheur des équipes marketing. Elles recrutent des pros, de Candide Thovex à Laurent de Martin en passant par Mathilde Gremaud ou Sarah Hoefflin.
Tous lancent des figures impressionnantes, que ce soit en sautant de barres rocheuses ou en réalisant des slides très techniques. Les vidéos deviennent virales et attirent des clients. Pour les skis de pistes, l’approche se veut différente. «On en a un peu marre d’avoir toujours la même photo du skieur dans son virage», souffle Vincent Zuppinger. Il regrette le manque d’originalité dans la communication des marques du secteur. Le cofondateur d’EDL Ski prévoit également d’autres projets pour d’autres disciplines, mais ne souhaite pas en parler pour le moment.
Stéphane Exartier s’est fait la même réflexion, lui qui a fondé XO. Il a participé aux Jeux olympiques et à des épreuves de Coupe du Monde de ski en étant membre de l’équipe de France. Après avoir travaillé pour Dynastar et Scott, il a décidé en 2011 de créer sa propre marque. «Les gens regardent souvent les modèles de slalom, qui sont des skis lourds avec du métal dedans» constate-t-il. Stable, efficace, mais est-ce vraiment adapté au ski qui est pratiqué aujourd’hui? «Je pense qu’il faut des skis légers et performants. Le but est de pouvoir se faire plaisir en carving sans souffrir à chaque fois qu’il faut les porter.»
Matériaux, fabrication: du Suisse ?
Pas de doubles spatules, pas de métal, pas de publicités à base de double backflips: les entrepreneurs arrivent sur le marché avec des skis taillés pour la piste. Ils doivent se faire une place là où les personnes ont déjà leurs habitudes. Des acteurs comme Atomic, Rossignol, Fischer, Head ou encore Stöckli font partie de celles qui reviennent régulièrement sur les pistes. Elles se retrouvent également en compétition, ce qui contribue à leur notoriété.
Les nouvelles marques doivent redoubler d'ingéniosité pour acquérir des parts de marché. D'autant plus que le sport coûte relativement cher. Prévoir un séjour au ski oblige une personne à penser au forfait, à l’hébergement, aux repas, au transport ainsi qu’au matériel. Un matériel qui ne va pas changer chaque année, tant il peut être onéreux. S’équiper d’occasion ou louer sont des alternatives, mais certains clients sont en recherche d’exclusivité. «J’ai travaillé pour des marques de skis de niche: très performants mais difficiles à vendre», glisse Vincent Zuppinger.
Son associé, propriétaire exploitant de magasins de sport, lui a demandé de créer un produit exclusif. La marque devait à l’origine se nommer Edelweiss. De fil en aiguille, le nom a été transformé et les deux hommes sont tombés d’accord sur le nom d’EDL Ski. Un nom qui permet de décliner les skis en EDL Weiss, EDL Black, etc. Les skis sont fabriqués en Italie, dans une usine à 10 kilomètres de la frontière helvétique. «Beaucoup ne précisent pas où ils fabriquent leurs skis», se désole le patron. «Il ne faut pourtant pas avoir peur de cela. La croix suisse sur des skis représente bien sûr une plus-value émotionnelle, mais en termes d’expertise ce qui compte est la culture alpine.» Une culture très forte tant en Italie, en France, en Autriche et bien sûr en Suisse.
Stéphane Exartier a de son côté trouvé un fournisseur dans l’Est de l’Europe. Le design et l’ingénierie se fait cependant en Suisse. Les tests des prototypes se font à Zermatt et Vail (USA). «C’est un petit marché mondial.» explique le fondateur de XO. «J’essaie d’avoir une approche pratique de la fabrication à la distribution.» Les marques doivent tester leurs prototypes. Toutes ont des stations dans lesquelles elles mettent leurs créations à l’épreuve.
Pour les vendre, la stratégie diffère. Stéphane Exartier rencontre régulièrement les patrons des magasins situés en station comme en plaine, d'Anzère à Morges. «Nous avons mis nos skis dans des parcs de location», indique l’ancien athlète. Il compte quelque 200 revendeurs à travers la planète. Dans les deux cas, c’est un public plutôt haut-de-gamme qui est visé. Le premier prix d’EDL Ski s’élève à 800 francs tandis qu’il est fixé à environ 1000 francs pour XO.
Vincent Zuppinger indique privilégier d’autres canaux. Il s’affaire à rencontrer les tenants de magasins. Surtout, il travaille d’abord à faire connaître son produit. Le Covid-19 a passablement perturbé les plans de tout le monde, mais il a aussi permis à Vincent et son associé de passer davantage de temps sur certaines étapes. «On a pris le temps de poser les bases et de bien programmer l’administratif et la comptabilité.»
La suite des opérations s’annonce compliquée, et le succès dépend de nombreux facteurs. Les performances des stations, le pouvoir d’achat des clients ou encore l’ouverture des frontières sont autant de choses qui peuvent influencer les ventes. Le rapport annuel des Remontées mécaniques suisse (RMS) indique que deux-tiers des skieurs sont des Suisses. Les étrangers qui font le déplacement jusqu’aux montagnes helvétiques sont principalement des Allemands, des Anglais et des Français.

L’optimisme reste toutefois de mise pour les fondateurs d’EDL Ski et de XO. Tous deux affirment vivre une aventure enrichissante et espèrent que les affaires reprendront. Ils ont de quoi s'inspirer en Suisse. Movement, Faction et ou encore Nidecker rayonnent à l'international. Cette dernière marque a son siège dans le canton de Vaud et est dirigée par trois frères. Elle comptait en 2018 entre 15% et 20% du marché mondial des snowboards, selon une interview réalisée par la Confédération. Movement, qui appartient au groupe financier suisse Airesis, présente de son côté des résultats financiers sains.

En février 2019, Faction n'avait pas encore atteint l'équilibre. Un article de ThisisMoney, média anglais porté sur la finance, évoque des pertes qui se réduisent mais qui ne permettent pas encore de profits. Les revenus sont réinvestis pour améliorer le réseau de vente à l'international. Sur son site, la marque appelle les investisseurs à entrer dans collectif. Elle jouit toutefois d'une très bonne réputation dans le milieu du freeride, grâce notamment à ses vidéos.