Pollution plastique dans les océans: les réponses seront multiples
Alors que la pollution aux matières plastiques dans les océans est devenue un enjeu majeur pour la planète, des solutions existent déjà pour lutter contre la gabegie de ce matériau qui se retrouve dans la chaîne alimentaire. A Davos, plusieurs experts de la question ont cependant averti qu'aucune solution miracle ne remplacera le plastique et que la réponse viendrait d'une combinaison de facteurs.

La question de l'élimination des déchets plastiques dans les océans n'est-elle qu'une cause pour surfeurs et plongeurs, voire quelques bobos en mal d'engagement? Au-delà de l'émotion suscitée par une vidéo d'une tortue blessée par une paille dans sa narine ou celle d'une baleine emprisonnée par un reliquat de filet, la pollution des océans est une question centrale, même en Suisse, pays enclavé.
«Qu’on vienne des Fidji ou de Suisse, l’océan est crucial: les nuages viennent de là, la neige suisse vient de là. Quand on regarde le climat et les océans, leurs interactions, on se rend compte qu’on condamne nos petits enfants à des temps extrêmement difficiles. En tant que grand-père, cela m’attriste et me motive à agir. Mais le monde est connecté et ce que l’on fait ici se retrouve dans les mers. Il est important que la prise de conscience soit globale», avertit Peter Thomson, envoyé spécial pour les océans du Secrétaire général des Nations Unies , en entame d'une session du World Economic Forum consacrée à cet enjeu.
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Quelques chiffres permettent de replacer l'importance du sujet: plus de 100'000 animaux marins (poissons, mammifères marins, crustacés,...) meurent chaque année directement du fait de l'ingestion de déchets plastiques dans les océans. Si le recours au plastique, et notamment aux plastiques à usage unique, continue sur la base des chiffres de 2017, les océans contiendront en 2050 une masse de déchets plastiques aussi importante que la masse de poissons. Et les océans ne sont pas les seuls concernés: 90% des sols suisses contiennent des micro-déchets de plastique, comme l'a révélé une campagne de sondages menés ces derniers mois. Cependant, avec le ruissellement, ces déchets se retrouvent la plupart du temps dans les océans. Et donc dans les organismes vivants (dont les hommes), par le biais de la chaîne alimentaire.
Une pollution surgie en deux décennies
Une menace globale, comme le souligne Heather Koldewey, professeur de biologie marine et membre de la National Geographic Society : «Voici quelques années, je me suis rendue sur l’archipel des Chagos, au milieu de l’océan indien, à des milliers de kilomètres de la moindre terre habitée... et en 20 minutes nous avions récolté 334 bouteilles en plastique sur un archipel inhabité et isolé. Ces bouteilles se décomposent au fil des ans en déchets qui sont absorbés par les poissons et se retrouvent dans notre chaîne alimentaire». Et de souligner à quel point cette pollution a surgi à grande vitesse sur les bords des mers et des océans: «Voici une quinzaine d'années, sur la plage, je me baignais. Désormais, sur cette même plage, avec mes enfants, je ramasse des déchets plastiques».
Le constat est alarmant. Mais l'horizon n'est pas noir pour autant. «Ce qu’il y a d’intéressant avec le plastique c’est qu’on peut réunir autour de la table de très nombreux acteurs, car il y a des opportunités de business pour inventer les alternatives, les développer, les diffuser», estime Heather Koldewey. Un avis partagé par Tom Szaky, auteur d'ouvrages sur la question et fondateur de TerraCycle: «Tout objet de notre vie devient un déchet un jour. 99% des objets que nous côtoyons deviendront des déchets dans les 12 mois suivants. Mais la plupart de ces déchets peuvent être recyclés. La Suisse est un exemple de ce qu’on peut faire à un niveau très poussé. Pourtant, même en Suisse, on continue d’incinérer de nombreux déchets qui pourraient être recyclés. Il faut se rendre compte que les acteurs économiques réfléchissent au coût le plus faible: si incinérer et créer de nouveaux emballages coûte moins cher que recycler, ils vont se tourner vers cela. Il faut trouver des solutions faciles à créer, produire et recycler localement, et plus économiques que le plastique».
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En Espagne, Gloria Fluxa Thienemann s'est investie dans le groupe familial Iberostar , actif dans le tourisme et qui détient plus d'une centaine d'hôtels à travers le monde. Et avec les siens, elle a voulu orienter cette activité vers davantage de respect de l'environnement. Les établissements du groupe sont en route vers une élimination totale du plastique (les hôtels pionniers y sont déjà parvenus ces derniers mois). «Mais cela exige un travail intense. Nous avons collaboré avec des laboratoires et entreprises en Allemagne et en Belgique pour analyser les alternatives. Pour chaque produit, il a fallu trouver la solution adéquate: les rasoirs en bambou, les brosses à dents en bois,...», témoigne la jeune femme.
Sensibiliser le personnel et les clients
Et d'ajouter que le volet de l'éducation et de la sensibilisation est crucial: «Nous avons trouvé 3600 objets en plastique dans nos hôtels, que nous avons entrepris d'éliminer progressivement. Par exemple, les mini-doses de shampoing et gel douche ont été remplacées par des distributeurs dans les salles de bains. Il a fallu apprendre au personnel les gestes pour recharger ces appareils au lieu de poser des dosettes, et leur expliquer pourquoi, afin qu’eux-mêmes soient capables de l’expliquer aux clients». Un travail de longue haleine mais qui a été facilité par la géographie: le groupe a son siège aux Baléares et les habitants des îles sont souvent les premiers touchés par la pollution au plastique.
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Ce volet d'éducation, d'autres communautés ont cherché à le mener. A Londres, une campagne a été menée par la municipalité, en collaboration avec des chercheurs, dont Heather Koldewey: «Nous avons sensibilisé le grand public sur le fait que l'eau du robinet est au moins aussi bonne pour la santé que l'eau en bouteille... et que les bouteilles en plastique vont polluer la planète ensuite. Dans les restaurants, nous avons essayer d’inciter les clients à re-remplir les gobelets qu'ils avaient déjà utilisés pour boire plutôt que de les jeter pour de nouveaux contenants. Et ce n’est pas évident car le personnel de service a été formé pour servir des verres nouveaux aux clients». Alors que chaque Européen consomme en moyenne 175 bouteilles en plastique à usage unique chaque année, ce combat est primordial.
La vie sans plastique est loin d'être impossible. «Tout est une question d'habitudes et de réflexion. Mes parents recyclaient et réutilisaient, car c’est une génération qui avait connu la guerre et ne voulait pas gaspiller. La motivation était différente mais le résultat était le même», se souvient Peter Thomson. Une question générationnelle alors? Pas vraiment: «Quand on regarde les jeunes, ils sont capables de choix qui nous surprennent car ils semblent aller à contre-courant du confort: mes enfants ne veulent pas de voiture, ils ne sauraient pas quoi en faire alors que les transports en commun sont bien plus pratiques», glisse l'ancien ministre des Fidji. Et lui-même réalise parfois à quel point le plastique est devenu omniprésent et s'en offusque: «Quand on prend l’avion, tout est sur-emballé dans du plastique, des écouteurs aux oreillers en passant par la couverture: je proteste à chaque fois. Des îles et des pays ont banni le plastique: il faut que ce soit aussi fait par des sociétés privées, dont les compagnies aériennes».
La force des tendances des consommateurs
Et Tom Szaky d'abonder sur ce point: «Les entreprises suivent avec énormément d'attention les tendances des consommateurs: les sodas ont vu leur consommation reculer? Les producteurs ont largement investi dans des boissons healthy, demandées par les consommateurs. Avec un mouvement Zéro Déchet massif, les entreprises vont réagir et s’adapter. On vote pour ces solutions avec son portefeuille. Mais attention, si la solution disparaît faute de clients, il sera très long de la voir revenir», avertit l'entrepreneur.
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Quid des alternatives aux plastiques, des plastiques biodégradables ou des matériaux issus de matières premières agricoles? Les différents interlocuteurs s'accordent sur leur intérêt, mais sans en faire l'alpha et l'oméga de la question, préférant insister sur un changement global de mentalité dans la consommation: «Nous inventons de nouveaux matériaux qui sont aptes à remplacer le plastique. La plupart des usages du plastique ne sont pas nécessaires et peuvent être remplacés. Nous devons changer notre consommation et notre production. Nous produisons et consommons trop et la planète ne peut supporter cela, particulièrement avec le volume de plastique généré», note Peter Thomson.
Si la culture de la consommation est en cause, comment influer sur celle-ci? «Tous les défis environnementaux sont liés à la consommation, qui tient à l'augmentation de la population mondiale mais aussi à la richesse. Si on renchérit les frais liés au plastique, on verra son usage baisser. Mais on peut aussi jouer sur la prise de conscience en incitant les jeunes à aller se promener en pleine nature au lieu de faire des sorties shopping. Ce qui est "cool" va vite reléguer les habitudes d'achat au rang de vieilles habitudes surannées», estime Tom Szaky.
Que faire alors des plastiques déjà en circulation et de ceux qui se retrouveront dans la nature d'ici à ce que leur volume produit diminue? Dans les pays occidentaux, le recyclage fait figure de solution motrice de la contre-attaque: «L’infrastructure des pays d'Europe, d'Amérique du Nord et de certains états d'Asie permet déjà actuellement de mettre en place facilement des circuits de recyclage pour une économie circulaire», estime Tom Szaky.
Que faire des plastiques déjà dans la nature?
Ailleurs, d'autres initiatives sont menées. «A Mumbai, des jeunes ont soutenu un projet de collecte de bouteilles plastique pour les transformer en briques, et des gens vivent dans ces immeubles bâtis à base de bouteilles en plastique», témoigne Yi Hsin Cathy Chen, consultante canadienne pour le gouvernement et membre des Young Global Shapers du WEF. «Il n’y aura pas une solution unique pour le plastique. Il y aura des centaines voire des milliers de solutions, chacun à son niveau. Dans les familles au quotidien comme pour les entreprises dans leur stratégie, il faut trouver la solution adéquate», abonde Peter Thomson.
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Et au moment d'évoquer les familles vient la question de l'éducation. Dans de nombreux cas de figure à travers l'histoire, la prise de conscience et les changements de pratiques dans les familles sont venues des enfants, qui ont influencé leurs parents. «Il est important d’aborder ces points à l’école. Il faut transmettre ces habitudes et ces valeurs aux jeunes générations dès le plus jeune âge. Et si les enfants sont sensibilisés et convaincus, ils vont rentrer chez eux et influencer leurs parents», suggère Yi Hsin Cathy Chen. La sensibilisation à l'environnement, matière scolaire? A ceux qui objecteraient que cela ouvre la porte à une foule d'apprentissages divers dans les murs des écoles, la consultante canadienne rappelle l'importance de cet enjeu: «Parmi la communauté des Young Global Shapers qui comprend plus de 7000 membres dans plus de 150 pays, nous avons mené une enquête pour savoir quelle était la cause sur laquelle il fallait se mobiliser et faire bouger gouvernements, entreprises et citoyens: la sauvegarde de la planète et des ressources naturelles est sortie très largement en tête. C'est à l'image de la population de demain qui veut qu'on laisse une planète qui ne soit pas en train de devenir inhabitable».
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