Les Suisses s’opposent à toute réforme
Un sondage réalisé pour le compte de Bilan indique que la population désapprouve à une forte majorité toutes les réformes destinées à améliorer la compétitivité économique de la Suisse.
Le franc se déprécie, le chômage reste faible, le rythme des embauches s’accélère, les exportations progressent, la conjoncture est favorable au niveau mondial: tous les indicateurs clignotent au vert pour l’économie helvétique. A moins d’un choc externe, l’année 2018 qui débute s’annonce sous de bons auspices.
Cet environnement est a priori favorable pour procéder à des réformes d’envergure. Objectif: maintenir la compétitivité et l’attractivité de la Suisse. «Le plus grand piège, c’est l’autocomplaisance et l’illusion que le repli sur soi est la garantie de notre prospérité», avertissait Tibère Adler, directeur romand du think tank libéral Avenir Suisse, dans une interview parue en automne dernier dans les colonnes de ce magazine.
Si la Suisse n’agit pas, elle risque de perdre des plumes. D’autant que ses rivaux agissent pour améliorer leur situation. Or, la population helvétique privilégie le statu quo, comme l’indiquent les résultats d’un sondage réalisé par l’institut DemoSCOPE auprès de 1085 personnes pour le compte de Bilan. Et aucune divergence d’opinions n’apparaît entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.
Pas de privatisation - -
D’abord, les personnes interrogées rejettent toute idée de privatisation. Elles se disent plutôt contre et totalement contre une privatisation de La Poste (74%), des CFF (74%), des banques cantonales (67%), des entreprises électriques (64%) et de Swisscom (57%) détenu majoritairement par la Confédération (51% du capital-actions).
Pour Cristina Gaggini, directrice romande d’EconomieSuisse qui défend les intérêts des entreprises, ce refus n’est pas surprenant. «Premièrement, la qualité des prestations fournies au titre de la desserte de base est parmi les meilleures du monde. Deuxièmement, les opérateurs en mains publiques ou proches de l’Etat opèrent déjà aujourd’hui dans un contexte de concurrence. Ce qui a permis – par exemple dans le secteur des télécommunications – à la fois d’améliorer les services et de baisser les prix. C’est donc l’ouverture du marché qui est primordiale pour les consommateurs et non pas de la privatisation d’une entreprise en particulier.»
Conseiller aux Etats et président du Parti socialiste, Christian Levrat conteste. «Les habitants de ce pays ont pu voir les conséquences d’une libéralisation partielle de La Poste: fermetures en masse des offices postaux, baisse des prestations pour les clients et détérioration des conditions de travail du personnel, alors même que La Poste dégage près d’un milliard de bénéfice annuel.»
De son côté, Vincent Martenet, qui présidait la Commission fédérale de la concurrence jusqu’au 31 décembre 2017, regrette que les privatisations constituent un enjeu idéologique. «En privilégiant le statu quo, la Suisse refuse de se poser la question qui devrait se trouver au cœur du débat. Elle est la suivante: le marché fournit-il un bien ou un service qui est demandé par la population? Si ce n’est pas le cas, un acteur étatique peut alors entrer en scène. A l’inverse, je suis très sceptique sur la nécessité de sa présence au sein de l’économie.»
Inutile de modifier la fiscalité des entreprises - -
Ensuite, le sondage montre que le combat pour réformer la fiscalité des entreprises sera difficile à mener après le refus dans les urnes de RIE III. Seule une petite minorité des sondés (12%) approuvent une réduction de l’imposition des personnes morales, alors que la moitié d’entre eux sont favorables au maintien des taux actuellement en vigueur. Ce score ne préjuge en rien l’adoption ou le rejet du nouveau plan présenté par le Conseil fédéral (projet fiscal 17) visant à abolir les statuts fiscaux spéciaux, pour autant que les citoyens doivent se prononcer sur cette question. Car la nouvelle mouture de la législation sera accompagnée de mesures sociales pour faire passer la pilule.
«Ce résultat confirme non seulement la nécessité de trouver un compromis politique équilibré pour mettre sous toit la réforme de la fiscalité des entreprises à laquelle la Suisse s’est engagée, mais aussi l’important travail d’information nécessaire pour convaincre l’opinion publique en cas de votation», constate Cristina Gaggini. «Nous avons toujours défendu une position exigeant que cette réforme, qui est nécessaire, soit autofinancée», insiste Christian Levrat.
Des semaines de travail plus longues? Non merci - -
Enfin, les personnes interrogées écartent à 86% le projet de l’Union suisse des arts et métiers (USAM) consistant à relever la durée maximum de la semaine de travail de 45 à 50 heures. Selon l’USAM, la législation qui est «entrée en vigueur voilà plus d’un demi-siècle est obsolète sur bien des points; elle doit être modernisée et assouplie».
Pour Cristina Gaggini, «cette proposition vise à répartir l’effort de manière plus flexible, notamment en fonction des commandes des clients. Il faudrait à l’avenir calculer le temps de travail sur une base annuelle et non plus hebdomadaire. Davantage de flexibilité s’impose à l’ère de la numérisation. Cela répond aussi aux attentes d’une partie des employés, notamment des jeunes.»
Economiste en chef de l’Union syndicale suisse, Daniel Lampart ne partage pas cet avis. «Une telle politique est vouée à l’échec. Lorsque la durée de travail est longue, il s’avère très difficile de concilier famille et profession. Aujourd’hui, la reprise doit revenir aux travailleurs et travailleuses sous la forme de réduction des horaires et de hausse des salaires.»
Les résultats de ce sondage «montrent clairement qu’une grande partie de la population en a marre d’une politique qui profite avant tout aux actionnaires et aux entreprises», observe Daniel Lampart. «Nous constatons que les positions que nous défendons depuis des années trouvent un écho favorable au sein de la population», réagit Christian Levrat.
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