Les imprimeries broient du noir
Mis sous pression dans un secteur sinistré, les acteurs fondent à vue d’œil en Suisse romande. Dernière fusion en date: Prestige Graphique vient de naître, fruit de cinq entités.
Lorsque Marc Van Hove a repris la direction d’ Atar Roto Presse à Genève, vers 1999, le plus grand imprimeur du canton employait environ 170 personnes. «Aujourd’hui, nous sommes 68, confie ce dernier. Très vite, vers 2001, nous étions passés à moins de 120 par des gains de productivité et des changements d’équipements. Avec le rapprochement entre Atar, Roto-Sadag, Sprint et Thermoprint, nous nous étions retrouvés avec des équipements disparates, sans réelle uniformité.»
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Avec une clientèle à 95% genevoise, comptant des fleurons historiques comme la Feuille d’Avis Officielle (FAO) du canton de Genève pour la rotative, les banques, les horlogers et les organisations internationales, Atar Roto Presse a toujours investi très régulièrement «pour maintenir la qualité». La dernière fois remonte à 2014 et s’élève à plus de 10 millions de francs (60% en cash et le solde en leasing).
«Les sociétés ont diminué leurs impressions. Au Salon de l’auto, on ne trouve plus les catalogues. Les exposants enregistrent 12'000 demandes de catalogues pendant le salon, puis passent leur commande. Avant, ils nous en commandaient 100'000 exemplaires pour les déposer sur les différents stands», raconte le CEO d’Atar. Autre évolution récente: les rapports des banques ne s’impriment plus qu’en deux langues au maximum et en bien moins d’exemplaires qu’il y a quelques années.
«2017 a été une très mauvaise année pour tout le monde. Y compris pour les papetiers et les fabricants de machines, sans oublier les relieurs et les autres métiers d’art. Idem pour les graphistes. Pour nous, cela aura été l’année de la perte du contrat de la FAO GE (un contrat annuel de 2 millions de francs) qui a engendré la disparition de six postes de travail», constate Marc Van Hove.
Son collègue vaudois s’en sort un peu mieux. La Feuille d’Avis Vaudoise imprimée n’a pas été supprimée pour l’instant. «Nous avons très peu de très gros clients. Nous travaillons avec des PME confrontées aux mêmes problèmes que nous», observe Steve Burnier, CEO de PCL Presses Centrales . Novartis Nyon représentait 11% du chiffre d’affaires.
Depuis sa reprise par la britannique GSK, l’ensemble des imprimés de cette société s’effectue au Royaume-Uni. Mais Steve Burnier reste optimiste: «Nous avons la chance que la Suisse romande est une région de petite taille. Les tirages en baisse sont une opportunité pour nous. Certes, il est facile d’envoyer un fichier chez un imprimeur à l’étranger, mais nous encourageons nos clients à venir chez nous à Renens pour suivre leurs travaux. Imprimer à l’étranger peut poser des problèmes de délai. Et il y a l’aspect environnemental: faire voyager des imprimés est un non-sens écologique à l’heure actuelle.» A l’entendre, de nombreux horlogers auraient cédé aux sirènes belges. Breitling, parmi beaucoup d’autres, aurait fait ce choix. Au détriment d’un Genoud Arts Graphiques au Mont-sur-Lausanne.
Rapprochements -
Parmi les plus petits acteurs, survivre semble une gageure. En octobre 2015, l’imprimerie SRO-Kundig (résultat de la fusion en 1985 entre Service Rapide Offset et Kundig, fondée en 1832) a fini par jeter l’éponge. C’était alors la deuxième plus grande imprimerie genevoise. Ses effectifs étaient passés de près de 75 à 30 personnes. La faillite de SRO-Kundig a d’ailleurs failli provoquer celle de l’Imprimerie Lenzi.
«J’avais effectué pas mal d’investissements sur notre site de Meyrin (GE). A la suite de la crise, j’ai voulu me rapprocher d’autres imprimeurs, mais cela n’a pas abouti. J’avais approché la propriétaire de SRO-Kundig qui venait d’emménager à Versoix (GE). J’ai payé le déménagement (environ 100'000 francs) et cinq mois plus tard, SRO-Kundig fermait ses portes», raconte Xavier Lenzi.
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Son salut va venir d’un jeune entrepreneur, Roger Moses, et de son associé Robin Luisier. Ce duo a à son actif la création d’une chaîne d’environ 25 boulangeries sur Genève: Prestige Gourmand . Dans le secteur de l’impression, le duo a commencé par racheter Kis Original-Services à la famille Gaspoz en août 2016. Puis il a repris Lenzi en mars 2017 (les machines et deux employés, les autres ayant été replacés ailleurs entre-temps). Ont suivi les acquisitions de DuoVisual (qui appartenait aussi aux Gaspoz) et de Burggraf, la Rolls de la photolithographie qui avait été créée en 1966 par Rolf Burggraf.
Les cinq entités actuelles permettent de diminuer les coûts fixes (locaux, électricité, etc.) et surtout de rassembler les forces. Bénéficiant d’un nouvel actionnariat, Prestige Graphique investit. «Nous allons recevoir le 3 mars une presse sur laquelle nous pourrons faire des cahiers de 16 pages pour viser le secteur horloger. Nous venons de recruter un directeur commercial qui a œuvré pour Courvoisier et Genoud», se réjouit Xavier Lenzi.
Nouvelle concurrence -
Parmi les menaces qui pointent leur nez: l’apparition de «courtiers en imprimerie» qui vendent de l’imprimé alors qu’ils n’ont pas de machines. «Il y en a de plus en plus. Pour en vivre et avoir une marge, ils sous-traitent à l’étranger. Ces gens possèdent une adresse en Suisse, mais sans structure derrière. Ce sont généralement des anciens commerciaux d’imprimerie qui ont fermé et qui cherchent à faire fructifier leur portefeuille d’anciens clients», regrette Steve Burnier.
Reste à savoir ce que réserve l’avenir pour la branche. «Je ne suis pas persuadé que l’année 2018 sera meilleure que 2017. Nous avons des contrats annuels, comme avec le quotidien Le Courrier , mais ce sont des exceptions. Nous avons un handicap, c’est l’obligation de passer par des distributeurs de papier quasi monopolistiques. Cela renchérit encore davantage l’imprimé suisse», regrette Marc Van Hove.
La France est généralement moins chère de 18 à 20% grâce à des coûts de papier inférieurs. La Slovénie afficherait quant à elle des tarifs inférieurs de 40 à 50%! Les prix de la main-d’œuvre et du mètre carré expliquent principalement de tels écarts qui rendent les PME locales non compétitives en cas d’appels d’offres. «Ceux qui sont confrontés à de grandes multinationales et à de grosses commandes seront beaucoup plus enclins à subir cette concurrence étrangère», constate Steve Burnier.
Avoir une fondation pour actionnaire n’offre-t-elle pas un avantage concurrentiel indéniable à PCL (lire l’encadré ci-contre)? «Oui et non. Cela reste un actionnaire qui ne veut pas que l’on perde de l’argent. La preuve? La fermeture de l’imprimerie IRL+ à Renens en 2015», argumente Steve Burnier. Et la présence dans le même groupe d’une imprimerie italienne, qui peut proposer des tarifs inférieurs de l’ordre de 20 à 25%? «Certes, Musumeci appartient à la même holding, mais nous sommes toutes des sociétés indépendantes. D’ailleurs, depuis deux ans, nous avons cessé toute activité commerciale pour les autres sociétés du groupe. Désormais, chaque entité a son propre service commercial», se défend le CEO de PCL Presses Centrales.
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