Le nucléaire en recul à l'échelle mondiale
Le nucléaire est descendu à 10,7% du mix énergétique mondial l'an dernier, contre 17,6% en 1996. Si la Chine investit massivement dans l'atome, les sommes injectées dans les sources renouvelables sont cinq fois plus importantes.
Le 27 novembre, les électeurs suisses seront appelés à voter sur une sortie accélérée du nucléaire, à l'appel des Verts. Un sondage paru ce vendredi 21 octobre dans les colonnes de nos confrères de la Tribune de Genève et de 24 Heures place les initiants en position de force avec 55% des intentions de vote en leur faveur en Suisse alémanique et jusqu'à 63% en Suisse romande. Alors que le débat fait rage entre opposants et partisans de ce calendrier anticipé par rapport aux programmes des autorités fédérales, état des lieux à l'échelle mondiale du secteur de l'atome civil avec le World Nuclear Report 2016 paru cet été.
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Dès le départ, un constat s'impose: sur le long terme, la part du nucléaire est en recul au niveau mondial dans le mix énergétique. En 1996, les centrales électriques fonctionnant à l'atome représentaient 17,6% du courant produit sur la planète; en 2015, cette part avait chuté à 10,7%. Pourtant, sur la même période, la production d'énergie issue de centrales nucléaires a augmenté, passant de 2200TWh à 2441TWh de 1996 à 2015, avec même un pic à 2660TWh en 2006. Un sommet presque à nouveau atteint en 2010, avant une chute notable en 2011 et 2012.
Or, c'est en 2011 qu'est intervenu l'accident nucléaire de Fukushima, suite au séisme et au tsunami du 11 mars de cette année. Ces deux catastrophes naturelles reliées et leur impact sur les centrales atomiques du Japon ont entraîné un arrêt temporaire de l'intégralité des réacteurs de l'archipel. A partir de juin 2012, certains réacteurs sont progressivement redémarrés, ce qui coïncide avec la progressive remontée de la production mondiale d'électricité d'origine nucléaire.
Autre facteur qui peut expliquer que le volume d'électricité nucléaire est reparti à la hausse depuis 2014: les nouvelles capacités de production de la Chine dans ce domaine. En 2014, les sites de Ningde et Hongyanghe I ont obtenu leur licence commerciale, suivis en 2015 par Yangijang (1-2), Fuqing I, Fangjiashan (1-2), Ningde (3), Hongyanhe I (3-4) et Fuqing I (2)*.
Avec de nombreux projets encore à venir (comme indiqué dans le tableau ci-dessus), la production d'électricité en volume devrait continuer à croître. Le moteur chinois (+31%) ne devrait cependant pas être le seul à tirer cette production mondiale (+1,3%) à la hausse. Si de nombreuses centrales japonaises sont à l'arrêt depuis Fukushima et, jugés trop vulnérables (au séismes et aux tsunamis notamment), ne devraient pas être redémarrés, le gouvernement nippon a relancé de nouveaux projets. Ailleurs dans le monde, d'autres projets sont en cours de réalisation comme en Finlande, en Angleterre ou en France (réacteur de type EPR à Flamanville). Et les Etats-Unis envisagent le nucléaire comme l'une des solutions pour tenir les engagements pris en matière de lutte contre le réchauffement climatique à Paris fin 2015 lors de la COP21.
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Cependant, si la Chine va être le principal constructeur de nouvelles capacités de production nucléaire dans les années à venir, son effort sur l'atome restera minime à côté des nouvelles capacités que Pékin prévoit pour les énergies renouvelables. Sur l'exercice 2015, la Chine a investi 100 milliards de dollars dans les renouvelables, contre 18 milliards dans le nucléaire. Selon les annonces officielles relayées par les médias chinois , la production nucléaire chinoise en 2020 devrait atteindre 58GW en 2020, tandis que l'éolien devrait arriver à 200GW à la même date, et le solaire à 50GW. Une priorité notamment dûe aux coûts respectifs de chaque énergie: le kilowatt issu des centrales de génération II actuellement en chantier en Chine revient à 3500$, alors même que le kilowatt éolien ou solaire revient à 1500$, et le kilowatt éolien offshore se chiffre à 2400$.
Le nucléaire croît moins vite que l'éolien et le solaire
Si l'Empire du milieu continue d'investir dans l'atome, ce choix est loin de faire l'unanimité sur la planète. En 2015, Taïwan et la Californie ont annoncé leur future sortie du nucléaire, tandis que l'Indonésie a renoncé aux projets jusque là envisagés (sans renoncer définitivement à cette solution pour l'avenir) et le Chili a suspendu les programmes en cours. Le rapport pointe aussi que dans plusieurs pays développés et émergents (Brésil, Chine, Inde, Japon, Pays-Bas), l'éolien à lui seul fournit davantage d'énergie que l'atome.
«L’année 2015 semble avoir été la meilleure pour l’industrie nucléaire au cours du dernier quart de siècle. Un record de dix nouveaux réacteurs avec une capacité totale de 9GW ont été mis en service. C’est moins que les nouvelles capacités solaires et éoliennes, qui ont augmenté respectivement cinq et six fois plus vite», note ainsi Tomas Kåberger, professeur de politique industrielle énergétique à l'Université technologique Chalmers (Suède) et chairman du conseil de direction de l'Institut de l'énergie renouvelable au Japon.
Le rapport met également le doigt sur les difficultés financières de certains acteurs majeurs du secteur. Au premier rang desquels Areva: le géant français du nucléaire a accumulé 11 milliards de pertes sur les cinq années écoulées, et le gouvernement français a dû injecter 5,6 milliards d'euros pour assurer la pérennité du groupe. La confiance des investisseurs et actionnaires a chuté ces dernières années: par rapport au pic atteint en 2007, la valeur de l'action a reculé de 95% en 2015.
D'autres acteurs impliqués dans le secteur de l'atome vivent aussi des jours difficiles. Au second semestre 2015, l'action de l'opérateur chinois CGN, très impliqué dans les centrales nucléaires dans le pays, a plongé et perdu près de 60% de sa valeur. Destin similaire pour l'opérateur allemand RWE dont l'action a perdu 54% de sa valeur en 2015, et qui a annoncé en décembre de cette année que ses activités traditionnelles (charbon, gaz et nucléaire) allaient être séparées des activités dans les énergies renouvelables (ainsi que des réseaux et de la commercialisation), où la demande explose.
Est-ce pour autant la fin de l'atome dans le domaine civil? La sortie planétaire du nucléaire est encore très loin. A l'échelle mondiale, 31 pays tirent une partie plus ou moins importante de leur électricité de centrales atomiques, lesquelles ont généré en 2015 la bagatelle de 2441TWh. Ces volumes sont issus pour moitié de deux pays, Etats-Unis et France, qui ont produit à eux seuls 50% du courant tiré du nucléaire en 2015.
Cependant, en rapportant ces volumes tirés de l'atome à la somme de l'électricité produite par pays, des différences notables apparaissent. Ainsi, le premier producteur mondial, les Etats-Unis, tire à peine plus de 20% de son électricité de centrales nucléaires, soit moins que la Suisse (près de 35%). Pour de nombreux pays européens par contre, le nucléaire reste prépondérant dans la production de courant, et incontournable pour de nombreuses années encore: en France, en Ukraine, en Slovaquie et en Hongrie, 77 à 54% de l'électricité est tirée du nucléaire; ce taux est supérieur à 30% pour la Slovénie, la Belgique, l'Arménie, la Suède, la Finlande, la Suisse, la République tchèque et la Bulgarie (ainsi qu'en Corée du Sud, hors Europe).
Pour tous ces pays, le nucléaire reste majeur. Une sortie de l'atome exigera de profonds investissements dans le renouvelable. Avec parfois peut-être le recours à des sources thermiques (gaz, charbon) pendant une période transitoire ou pour répondre aux pics de la demande. Et c'est bien ce que pointent les partisans du nucléaire: ces centrales qui fonctionnent à l'énergie tirée de la fission de l'atome produisent des volumes constants, qui ne dépendent pas des éléments naturels (vent, ensoleillement,...) et répondent donc à des besoins importants en minimisant les recours aux solutions capables de réactions rapides (hydroélectricité, énergies fossiles).
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* les chiffres entre paranthèses indiquent le nombre de réacteurs recevant une licence commerciale par site.
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