Le low-cost a-t-il du plomb dans l’aile?
Procédure d’insolvabilité chez Air Berlin, retards et annulations chez EasyJet, pression sur les pilotes chez Ryanair... Le modèle d’affaires de ces compagnies a-t-il encore un avenir?
Rares sont les Romands qui n’ont jamais volé avec Air Berlin ou sa filiale Niki. Il y avait les trajets à prix plancher entre Berlin et la Thaïlande, vers les Baléares et Londres depuis Bâle ou Düsseldorf au départ de Genève. Le 15 août dernier, l’aventure s’est terminée avec le lancement d’une procédure d’insolvabilité, autrement dit la faillite.
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Intervenant à un moment particulièrement favorable avec un carburant très bon marché et un trafic en plein boom, le dépôt de bilan d’Air Berlin soulève de nombreuses questions autour du modèle low-cost. On a vu cet été les pilotes d’EasyJet en France s’insurger contre des plans de travail trop chargés, tandis que 541 vols ont dû être annulés en Europe sur le seul mois de juillet. Genève a connu une cascade de retards et d’annulations. Assiste-t-on à la rupture d’un modèle poussé à ses limites?
Ryanair et EasyJet: duel dans les airs -
«La faillite d’Air Berlin ne remet pas en cause la viabilité des compagnies à bas coût, estime Pierre Condom, expert en aviation. Sur un marché très disputé, ce dépôt de bilan est avant tout une victoire pour ses deux grands concurrents EasyJet et Ryanair.»
Présentation des acteurs du drame. Avec sa première base en Europe continentale installée à Genève, EasyJet est bien connue des Suisses. Sur une année, ce marché a fourni 6 millions de passagers (+8%) à la compagnie. Fondée en 1995 par le Britannico-Chypriote Stelios Haji-Ioannou, EasyJet a lancé le low-cost en Europe et révolutionné l’approche du voyage chez les consommateurs. Seconde compagnie européenne en termes de voyageurs transportés derrière Ryanair, la société britannique vient d’ouvrir un nouveau siège en Autriche pour pallier les conséquences du Brexit.
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La compagnie irlandaise Ryanair ne s’est de son côté jamais implantée en Suisse, à l’exception d’une courte incursion à l’aéroport de Bâle. Créée en 1985, Ryanair est devenue une compagnie low-cost avec l’arrivée de son bouillonnant actuel patron Michael O’Leary en 1994. Figure outrancière, il est connu pour piétiner le droit du travail ainsi que la protection de l’environnement et recourir à tous les subterfuges possibles pour améliorer la rentabilité. A Bruxelles, Ryanair fait ainsi décoller ses avions le plus rapidement possible afin de s’éloigner des radars au sol au plus vite et éviter les amendes pour nuisances sonores.
La vision de Michael O’Leary sur le moyen terme : proposer des trajets gratuits exemptés de taxes d’aéroport car ces derniers payeraient Ryanair pour amener des consommateurs dans leurs boutiques et magasins duty-free. «Ryanair pratique une politique du bas tarif pur et dur face à EasyJet, qui a développé un modèle hybride. L’irlandaise ne vole par exemple qu’à partir de pistes secondaires et mise uniquement sur le volume de passagers. Or, EasyJet se pose dans des aéroports principaux et a développé une offre spécifique pour les voyageurs d’affaires», poursuit Pierre Condom.
Pas de modèle commercial clair pour Air Berlin -
Quant à Air Berlin, malgré sa position de deuxième compagnie allemande, elle a tout d’un canard boiteux perdu dans un univers hyperconcurrentiel. De l’avis de l’ensemble des observateurs, pour qu’une société low-cost fonctionne, elle doit avoir été créée dans cette vocation, à partir d’une structure de coût bien définie au départ.
Pour comprendre la faillite d’Air Berlin, il faut donc revenir sur son histoire. Créée à Berlin-Ouest à l’époque du mur dans les années 1970, la compagnie est spécialisée dans les vols charter, en particulier vers Majorque. Après la réunification en 1991, son modèle s’oriente vers celui d’une compagnie à horaire régulier. Contrairement à Ryanair et EasyJet, Air Berlin s’est développée par croissance externe en rachetant notamment la compagnie charter allemande LTU.
Malgré des restructurations perpétuelles, le coût par siège chez Air Berlin (7,6 centimes d’euros fin 2016) reste supérieur de 50% à celui de Ryanair, souligne Le Figaro . Quant à EasyJet, elle emploie 15 fois moins de personnel dans ses bureaux qu’une compagnie traditionnelle. Ryanair, de même que la jeune Norwegian qui vole vers les Etats-Unis pour 65 euros, immatricule un maximum d’avions en Irlande afin de bénéficier du régime fiscal le plus favorable en Europe. Pour rogner sur les taxes aéroportuaires, il faut opérer sur des aéroports secondaires. Le principe du low-cost est d’attirer les passagers avec des tarifs au plancher et de monnayer d’autres services. Bagages en soute, boissons et repas, meilleures places dans l’avion, espace supplémentaire pour les jambes: tout est payant.
Les appareils doivent en outre être particulièrement économes en kérosène et d’un modèle unique afin de simplifier la maintenance. Malheureusement pour elle, Air Berlin multipliait les frais d’entretien avec une flotte mélangée d’Airbus et de Boeing. La société a en outre voulu attaquer de front Ryanair, EasyJet et Eurowings (filiale low-cost de Lufthansa) sur le réseau européen, tout en maintenant des activités long-courrier saisonnières héritées de ses origines charter.
Rédacteur en chef d’ Inside Travel , Dominique Sudan décrypte: «Air Berlin n’a jamais eu de modèle commercial clair. Une société existante ne peut pas se transformer en une compagnie low-cost. Elle doit être créée ainsi. Les low-cost exploitent un modèle qui tient la route, contrairement à celles qui veulent du bas tarif tout en conservant les structures de coûts des compagnies traditionnelles.» Les vainqueurs EasyJet et Ryanair affichent des taux de remplissage supérieurs à 90%, avec un léger avantage pour l’irlandaise.
Ryanair se distingue par des pratiques très discutables qui l'amènent au rang de compagnies la plus rentable au monde, avec une marge nette de 19% sur l’exercice 2015-2016. En moyenne, son personnel lui coûte 6 euros par billet, contre 9 euros chez EasyJet et 35 euros chez Lufthansa, indique capital.fr. Ryanair réclamerait en outre près d’un milliard d’euros en aides publiques par an pour s’installer dans des régions où elle favoriserait tourisme et création d’emplois.
Cette rentabilité exceptionnelle passe par quelques sacrifices au niveau de la sécurité. Notés en fonction de leur consommation de kérosène, les pilotes évitent de se dérouter. Une situation qui a conduit à divers atterrissages d’urgence une fois les réservoirs vides. Mais aucun crash n’est à déplorer. Pour le moment.
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