Le champion suisse qui a conquis Dubaï
L’avocat Yann Mrazek, ancien basketteur professionnel, figure parmi les premiers experts suisses de la structuration de fortune dans l’émirat.
Loin des turbulences fiscales qui agitent l’Europe, les affaires de Yann Mrazek prospèrent à Dubaï. «Depuis cinq ans, nous aidons une personne physique – contre quatre à cinq sociétés –, par semaine à s’implanter dans l’émirat. Et le rythme s’accélère.»
L’avocat fribourgeois est installé depuis 2006 dans la capitale mondiale des extravagances architecturales et financières. Il fait partie des quelque 3000 Suisses qui résident dans les Emirats arabes unis, dont plus de la moitié à Dubaï.
Son étude M/Advocates of Law et sa fiduciaire assistent des entreprises en tous genres et des grosses fortunes pour notamment réduire au maximum leurs factures d’impôts. «Aujourd’hui, les moyens pour structurer ses avoirs de manière compliant et acceptable sont multiples. Ils sont souvent en lien avec un changement de résidence», souligne l’avocat de 37 ans d’origine tchèque, rencontré une première fois à Dubaï à l’occasion d’un voyage de presse organisé fin mars par la Banque Cantonale Vaudoise.
Quelques jours plus tard, Bilan retrouve l’artisan de la structuration fiscale à Genève, de passage pour un rendez-vous professionnel. «Avec notre plateforme, nous prenons les gens par la main et les guidons dans leur prise de résidence, à temps partiel ou plein.» De la création d’une société pour obtenir un visa de résident à l’installation à proprement parler, l’étape la plus sensible: «Il faut leur trouver un appartement ou une maison, mettre en place l’électricité, convertir leur permis de conduire… Sans oublier l’inscription scolaire des enfants.»
En tout, une quinzaine de points, emballés dans un «package de domiciliation». Le coût? «A la louche, 30 000 dollars.» Plutôt un bon prix pour ne pas payer d’impôts… Car pour «restructurer ou démarrer une activité économique», l’émirat, localisé entre le désert et le golfe Persique, a de quoi séduire: fiscalité quasiment nulle dont peuvent profiter les entreprises et les personnes physiques, deux jours de séjour par année pour valider le domicile, de multiples conventions de non double imposition, une situation politique et économique stable…
«Un centre financier mid-shore, qui permet à la fois de payer peu ou pas d’impôts et de mettre en œuvre de véritables activités économiques», résume l’avocat, pour qui les conditions-cadres des Emirats «n’ont rien à voir avec celles des juridictions vers lesquelles affluent les fonds non déclarés».
Un paradis fiscal qui n’en porte pas l’étiquette? Une aubaine pour qui veut éviter les juridictions tourmentées par les autorités du fisc. Et Yann Mrazek le dit sans détour: les pressions que subissent la Suisse, son secret bancaire et ses forfaits, et, plus largement, les refuges européens à faible imposition, ont dopé ses affaires à Dubaï. Il rappelle que «contrairement à la Suisse, Dubaï n’a jamais figuré dans la liste grise des paradis fiscaux de l’OCDE, bien que le taux d’imposition y soit proche de 0%».
Carrière sportive - -
Après un rapide coup d’œil, la première vocation de Yann Mrazek relève de l’évidence: ce colosse de deux mètres taillé dans un roc dribblait le ballon de basket, avant de jongler avec les structures fiscales. C’est à 7 ans qu’il endosse son premier maillot. Il jouera ensuite à Vevey, Fribourg, Lausanne, Monthey. Et en équipe nationale.
Durant sa carrière sportive, il connaît quatre titres de champion de LNA et remporte trois Coupes de Suisse. Lorsqu’il commence son brevet à Genève à 26 ans, sport de haut niveau et études à plein-temps ne sont plus compatibles. Il revient sur les terrains de basket-ball pour une dernière saison dans le cadre de son stage.
Il pose définitivement son ballon, son brevet en poche. «J’avais atteint mes objectifs au niveau sportif. Il était temps pour moi d’envisager ma carrière professionnelle sur le long terme.» Le dynamisme exceptionnel de Dubaï, l’avocat en devenir l’avait déjà perçu en 2000. «J’y étais allé en vacances avec mon épouse. Après deux jours sur place, c’était un véritable coup de foudre. Dès lors, j’ai tout mis en œuvre pour nous y installer car rien ne nous retenait en Suisse.»
Avant même d’obtenir son brevet, il contacte l’étude zurichoise Ritter Attorneys qui avait ouvert un petit bureau à Dubaï. C’était le premier cabinet suisse à s’être implanté dans les Emirats arabes unis. «L’étude n’avait pas encore d’avocat suisse sur place. Quand j’ai réussi mon brevet, j’ai passé deux coups de fil, le premier à mon épouse, le second à Me Richard Ritter pour lui confirmer mon arrivée à Dubaï.»
En 2006, les places historiques fixaient leur attention, avec insistance déjà, sur ce centre financier qui leur faisait de l’ombre. Yann Mrazek s’attelle alors à jeter un pont entre Genève et Dubaï, où il vit aujourd’hui avec son épouse et ses deux enfants de 4 et 6 ans. «Cela s’est fait assez naturellement. Plusieurs banques nous ont confié leur implantation sur place. Puis, nous avons commencé à travailler avec de nombreux tiers-gérants pour conseiller leurs clients.»
L’avocat développe une réelle compétence de terrain, et non un simple bureau de liaison. «Nous sommes reconnus comme des spécialistes des Emirats. C’est la différence: nous avions monté une entreprise locale, alors que nous sommes Suisses, sur un terrain généralement réservé aux Anglo-Saxons ou aux locaux.»
«Vers une transparence mondiale» - -
Quatre ans plus tard, il ouvre sur place l’étude locale de Cramer-Salamian. Il y attache aussi une fiduciaire. L’an dernier, la direction du cabinet genevois décide de se concentrer sur la Suisse. Yann Mrazek reprend alors les opérations émiraties et «les repositionne»sous les enseignes M/Advocates of Law et M/Corporate Services, deux structures distinctes, mais gérées communément. L’étude compte actuellement 12 collaborateurs dont 9 avocats. La fiduciaire – «parmi les plus grandes de Dubaï» – emploie 25 personnes: «Elle comptera probablement 40 personnes l’année prochaine.» Les structures du jeune avocat gèrent quelques centaines de clients.
Lors de ses premières années sur place, 95% de ses clients – principalement européens – étaient drainés depuis la Suisse. «Aujourd’hui, 70% des clients représentent des entrepreneurs de première génération qui font fortune. Ils viennent de zones émergentes comme l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, Inde, Pakistan, et du Moyen-Orient.»
En plus de ces entrepreneurs globaux, l’étude adapte à l’international les structures d’entreprises moyennes. Sans oublier les grosses fortunes – dont notamment des joueurs de tennis, de golf ou encore de poker – qu’elle aide à s’installer sur le territoire. «Beaucoup parmi elles auraient précédemment choisi Monaco, Genève ou Londres en temps normal. Elles envisagent aujourd’hui Dubaï pour des raisons de logistique, en plus de la fiscalité avantageuse», certifie Yann Mrazek. «C’est un hub majeur qui permet d’aller partout dans le monde en quelques heures.»
Alors qu’il baigne dans une zone juridique sensible, l’émirat finira-t-il par subir les mêmes pressions que la Suisse? «Nous nous dirigeons clairement vers une transparence mondiale. Mais l’échange automatique d’informations devra s’appliquer sous certaines conditions, notamment dans le cas de Dubaï qui n’impose aucun de ses résidents et citoyens.» L’OCDE devra donc trouver un moyen de dompter un «animal fiscal» unique en son genre.
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