Le café équitable, un grain qui vaut de l’or
Le café équitable ne se limite pas à une étiquette différente. Dans les plantations du Brésil, reportage parmi les producteurs et cueilleurs qui profitent de la démarche pour adopter le geste juste qui générera le meilleur café pour le consommateur.
Le buveur suisse de café achète chaque année près de 10 kg de café, soit la deuxième consommation au monde. Or seuls 5% du marché sont issus de la filière du commerce équitable. Pour assurer la qualité de son café, Nespresso a rallié la démarche. Le numéro un mondial des capsules, actif depuis vingt-huit ans sur le marché, a lancé en 2003 son programme AAA Sustainable Quality.
« Au départ, nous pouvions compter sur moins de 10% de nos cafés issus de la filière durable. Désormais, nous sommes à 85%. Et nous comptons augmenter encore cette proportion pour viser les 100% à l’horizon 2020 », explique Karsten Ranitzsch, head of coffee pour Nestlé Nespresso.
Un processus inscrit dans le temps, car l’entreprise suisse a choisi d’accompagner les producteurs plutôt que de bouleverser brutalement ses filières d’approvisionnement. « Rayer de nos listes des producteurs qui ne sont pas prêts à s’engager dans cette voie n’aurait pas de sens. Mais nous privilégions les caféiculteurs responsables pour accompagner l’augmentation de nos volumes », assure Karsten Ranitzsch.
Un système d’incitation - -
Et l’accompagnement est au cœur de la démarche Nespresso. La multinationale a mis sur pied, dans le cadre de son programme AAA, un système d’incitation dont peuvent bénéficier tous les producteurs de huit des onze pays où Nespresso s’approvisionne en grains. Ainsi Alvaro Coli, issu d’une famille d’origine italienne installée dans l’Etat brésilien du Minas Gerais depuis 1860, a repris l’exploitation de 35 hectares en 1995.
« A l’aube des années 2000, le coût de la main-d’œuvre a subitement augmenté. Avec nos trente cueilleurs saisonniers et nos cinq employés pérennes en plus de la famille, il est devenu essentiel d’assurer des rentrées stables et importantes. Produire du café de spécialité est devenu l’alternative la plus intéressante », explique ce planteur au milieu de ses caféiers qui poussent jusqu’à 1300 mètres d’altitude.
Par le biais d’un groupement local, CarmoCoffees, Alvaro Coli s’est donc engagé dans le programme Nespresso. « J’ai bénéficié des conseils d’agronomes qui sont venus m’aider à mettre en place des solutions alternatives afin de réduire au strict minimum les produits phytosanitaires, grâce à des solutions alternatives comme le couvert végétal, les fertilisants naturels et la plantation d’arbres fruitiers destinés à casser le vent », explique-t-il.
« En ayant l’assurance que nous achetons son café pendant plusieurs années, il a ainsi pu investir sur le long terme sans crainte des soubresauts du marché », complète Karsten Ranitzsch.
Et la vente des grains de café à Nespresso se révèle intéressante pour les producteurs qui s’engagent à respecter la charte AAA Sustainable Quality : sur les cinq dernières années, la firme suisse a toujours payé le fruit des plantations brésiliennes au minimum 30% de plus que les cours du marché, avec des pointes à 40%. Mais cela sans emprisonner les producteurs : « Chacun reste libre de choisir d’autres acheteurs, sans impact sur des commandes futures », assure le head of coffee. Une possibilité dont profite Alvaro Coli : en 2013, il a vendu 30% de sa production à Nespresso, mais aussi une part à des torréfacteurs indépendants en recherche de cafés de spécialité soignés avec attention.
Sans l’appui de Nespresso, il reconnaît que le passage d’une production conventionnelle telle qu’il la pratiquait jusqu’en 2003 à une production durable et soignée « aurait été extrêmement compliqué, sinon impossible ».
Des contraintes drastiques - -
Si le soutien et l’accompagnement de Nespresso aident grandement les producteurs, le programme AAA Sustainable Quality comporte aussi des contraintes : réductions drastiques des intrants, interdiction de planter aux abords des cours d’eau, salaires décents à tous les personnels…
« En tout, il y a un cahier des charges avec 296 critères à respecter, qui visent aussi bien la durabilité sociale et environnementale que la qualité du café », résume Eduardo Trevisan, agronome et membre du conseil d’administration d’Imaflora, une ONG de défense des milieux naturels membre du réseau Rainforest Alliance et partenaire de Nespresso au Brésil.
Ce corpus drastique d’obligations et de contraintes n’a pourtant pas découragé les planteurs: CarmoCoffees a commencé à travailler en 2007 avec Nespresso et sept ans plus tard 118 fermes des environs de Carmo de Minas, dans le Minas Gerais, sont engagées dans le programme AAA Sustainable Quality.
Pourtant, à quelques exceptions près, Nespresso ne met pas en avant ce programme dans les boutiques et dans la communication autour de ses capsules. « Ce qui est primordial à nos yeux c’est la qualité du produit final. Tous nos efforts visent à améliorer sans cesse le café que nos clients vont boire. Et l’approche de commerce équitable que nous avons engagée avec AAA entre dans cette démarche », plaide Patrick Onken, chef marketing de Nespresso Suisse.
Ainsi, en refusant de dégainer la carte équitable en tête des arguments de vente, Nespresso ne veut pas se cacher derrière une démarche qui, chez d’autres producteurs, masquerait une qualité perfectible. Mais mettre les meilleurs procédés au service d’une qualité optimale. Le « geste juste », c’est le credo de Nespresso.
Des torréfacteurs genevois aussi s’y mettent - -
Cependant, loin de l’univers mondial, d’autres torréfacteurs mettent la démarche équitable au service de la qualité du produit. A Carouge, au 4 e étage d’un bâtiment industriel, Fabien Decroux et Julian Caron-Lys, de Boréal Coffee, surfent sur la vague des cafés de spécialité, concoctés par des torréfacteurs indépendants pour des coffee shops s’inscrivant dans la culture café, ses baristi (préparateurs dans les bars) et les modes alternatifs de préparation de la boisson.
Après avoir débuté par un coffee shop rue du Stand à Genève, puis un autre près de la gare Cornavin, en travaillant avec des torréfacteurs belges puis suisses alémaniques, les deux cofondateurs ont lancé leur propre torréfaction il y a maintenant deux ans.
A l’instar de Nespresso, Fabien Decroux, responsable de la torréfaction chez Boréal Coffee, met en avant deux maîtres mots: qualité et traçabilité. « A l’instar du vin, le vrai amateur de café, quand il prend le temps de savourer ce nectar, aime savoir d’où viennent les grains: pays, région, altitude, coopérative ou producteur, variété, traitement subi… Tout cela donne au café son caractère unique, sa typicité. Le vrai luxe, c’est de pouvoir remonter à l’origine du grain », explique le jeune torréfacteur. Dans son atelier de torréfaction, les sacs arrivent de Sumatra comme d’Ethiopie ou du Honduras.
Pour assurer une traçabilité absolue, il y a deux filiales possibles, acheter son café chez des importateurs spécialisés ou l’acheter soi-même, en direct. Boréal Coffee donne la priorité à la deuxième. A travers cette démarche, il n’y a plus d’intermédiaires et le fruit de la vente revient intégralement aux coopératives avec lesquelles il travaille. Dans une démarche de commerce équitable, les coopératives bénéficient d’un prix minimum garanti.
Ce prix minimum, fixé par Fair Trade, protège le mode de vie des producteurs des fluctuations du marché. En 2013, par exemple, avec un contexte global de marché baissier, le prix minimum était en moyenne 30% plus élevé que le prix du marché.
Cependant, ce n’est pas sans difficulté pour Boréal Coffee, les volumes sont réduits et la logistique est lourde. Importer pour chaque origine des containers entiers ne serait pas possible à eux seuls. Vint alors l’idée de s’associer à d’autres petits torréfacteurs européens qui partagent les mêmes valeurs. Ensemble, cela devient possible.
Aujourd’hui les sept torréfacteurs associés prennent un soin tout particulier dans leurs commandes groupées à choisir des cafés de haute qualité. Sans céder aux effets de mode, comme le Blue Mountain ou le Kopi Luwak, ces variétés hors de prix. Mais en s’adressant à des coopératives apportant un soin tout particulier à leurs plants.
« Nous tenons à soutenir le mouvement coopératif, car c’est celui qui nous semble le plus à même de travailler sur le long terme à une qualité toujours renforcée des cafés. Et nous aussi, avec nos partenaires torréfacteurs européens, nous sommes une coopérative », glisse Fabien Decroux. Amateur éclairé voici dix ans, lui et son équipe maîtrisent désormais toutes les subtilités du café.
Un hondurien aux goûts de chocolat noir ? La préparation en mode espresso va sublimer ses arômes. Un éthiopien aux arômes de bergamote et pamplemousse rose ? Rien de tel qu’une préparation filtre légère qui va dégager toute la palette des fragrances en bouche. Dans les coffee shops et chez soi, le café se décline désormais en une vaste gamme de trésors des terroirs.
Et pour perpétuer ces parfums sublimés par la torréfaction et la préparation, que le grain moulu soit en dosette ou mis en musique par un barista dans un coffee shop, il va falloir s’appuyer sur des producteurs soucieux de la qualité. Le commerce équitable a trouvé dans le café un terrain d’expression à la mesure de son importance.
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