Le double rôle délicat des administrateurs
Comment trouver la bonne distance envers la direction générale lorsque l’on siège dans un conseil? Les réponses de deux experts conviés à une table ronde organisée par BDO.
A l’heure où la gouvernance est au centre des débats, les relations entre le conseil d’administration (CA) et la direction méritent d’être clarifiées. BDO, une des plus importantes sociétés spécialisées dans l’audit, les services fiduciaires et le conseil, a organisé un débat à Lausanne en novembre dernier réunissant Anne Bobillier et Jean-Albert Ferrez. La première siège comme administratrice indépendante au sein des conseils de Skyguide, SkySoft-ATM, Romande Energie Holding, Romande Energie et de la CCI France-Suisse. Tandis que le second cumule les mandats de président de Téléverbier, de netplus.ch, de la CCI Valais et d’administrateur de la Banque Cantonale du Valais.
Comment ne pas mélanger vision stratégique et direction opérationnelle? «Il arrive qu’il y ait un problème de double casquette et de mélange de rôles, notamment lorsque quelqu’un passe d’un poste opérationnel à un rôle de membre du CA, remarque Anne Bobillier. Cette transition demande de l’adaptation afin que la personne ne s’attarde pas aux détails et ne marche pas sur les pieds de la direction générale. Si, par le passé, la relation entre le directeur général et le président du conseil était LA relation principale entre l’entreprise et son conseil, aujourd’hui les rôles sont plus larges, notamment du fait de la diversité de compétences de part et d’autre. Il est important de donner à la direction générale l’opportunité de parler aux membres du conseil et d’échanger avec eux et non plus seulement avec son président.»
Deux types de mission
Comment définir le bon niveau d’information à partager entre ces deux organes? «Le conseil d’administration doit définir le niveau d’information qu’il souhaite recevoir, relève Jean-Albert Ferrez. L’information reçue doit lui permettre de comprendre comment l’entreprise fonctionne et dans quel contexte (son environnement). Il est important de ne pas noyer la disponibilité des membres sous une masse de documents.»
Le conseil d’administration «a deux rôles: le contrôle et le soutien», relève Anne Bobillier. Mais comment trouver le bon équilibre entre ces deux missions? Pour l’administratrice indépendante,
«la direction générale doit voir le conseil comme un soutien et doit pouvoir s’adresser à lui en cas de problème. Le conseil doit notamment s’assurer que les erreurs annoncées ne sont pas systémiques. Il doit également inculquer cette approche dans la culture d’entreprise.» Et comme le résume Jean-Albert Ferrez: «Si c’est la direction générale qui sollicite le conseil d’administration, c’est du soutien. Si c’est le conseil d’administration qui sollicite la direction générale, c’est du contrôle.»
Et comment réagir en cas de conflit d’intérêts? «Si l’on réagit, c’est déjà trop tard. Il est nécessaire d’agir en amont: définir ce qu’est un conflit d’intérêts, lister ceux qui sont possibles et transmettre l’information à toute l’entreprise», estime Jean-Albert Ferrez. Ce dernier différencie le conflit d’intérêts et la friction d’intérêts. «En cas de friction, c’est probablement que la personne dispose d’une connaissance particulière du domaine traité. Il serait donc dommage de se passer de son expertise lors des discussions. Il est donc possible de lui permettre de participer aux débats sur le sujet, mais la personne doit se récuser lors du vote.»