Le coronavirus a-t-il mis un coup de frein aux mobilités douces?
Après des semaines de limitations, de nombreux Suisses sont attendus ce lundi sur les routes de la pendularité. Néanmoins, de nouvelles habitudes semblent avoir été adoptées entre-temps.

A notre époque plus que jamais, la mobilité fait partie du quotidien. A l’échelle de la Suisse, les dernières statistiques faisaient état de 4 millions de pendulaires, soit 9 travailleurs sur 10. La moitié se rendant au travail en voiture, un tiers en transports publics et les autres à pied ou à vélo. Pourtant, avec l’arrivée du Covid-19, tout a été remis en question.
(Semi)confinée durant plusieurs semaines, la population a dû adapter ses modes de déplacement en les rendant moins fréquents et plus individualisés. Alors à l’aube de la reprise économique, ce lundi 11 mai, doit-on s’attendre à une nouvelle forme de mobilité helvétique?
Une Suisse mise sur pause

Tout s’est passé très vite. Dès la mi-mars, les mesures du Conseil fédéral ont témoigné de l’ampleur de l’épidémie et modifié considérablement le comportement des Suisses. A la suite de quoi, tous les modes de transports motorisés, et en particulier les transports publics, ont enregistré une forte baisse d’utilisation.
Ces derniers, qui ont dû limiter leur cadence horaire, ont alors observé une chute comprise entre 70 et 90% de leur fréquentation durant la période de confinement. «Nous avons enregistré en moyenne 115’000 à 120’000 voyageurs par jour en semaine contre plus de 800’000 habituellement», constate François Mutter, porte-parole des transports publics genevois (TPG) . Les CFF , eux aussi, témoignent d’un net recul de la demande.
Seul le vélo a vu sa courbe d’utilisation grimper en flèche. Un projet en cours de l’ ETHZ atteste qu’entre la mi-mars et fin avril, la distance quotidienne moyenne parcourue à bicyclette a presque triplé. Les compteurs à vélo du canton de Fribourg confirment ces résultats avec une augmentation de l’ordre de quatre à six fois plus de cyclistes qu’avant la crise. Un regain d’intérêt pour le deux-roues manuel qui s’explique notamment par l’accroissement du trafic de livraisons, comme le précise le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) .

Malgré tout, la mobilité générale en Suisse a fortement diminué durant le (semi)confinement, atteignant son pic le plus bas fin mars. «L’occasion de se rendre compte à quel point nos villes peuvent être agréables lorsque l’on entend les oiseaux et que l’air est pur. Personne ne souhaite un retour en arrière», déclare Thibault Schneeberger , co-secrétaire de l’association actif-trafiC . Une situation qui a également permis de percevoir les aménagements nécessaires. «Il faut repenser l’espace urbain pour offrir une vraie place à la mobilité douce. Nos tests ont montré qu’un piéton pouvait attendre jusqu’à 50% de son temps au rouge sur un trajet standard en ville», ajoute le militant.
Vers des transports individualisés
Ces obstacles, couplés à un stationnement facilité en ville, à une circulation plus fluide et à un prix du carburant bradé durant le confinement, ont poussé les Suisses à opter pour la voiture. «Le trafic individuel motorisé correspondait à 60-80% du niveau d’avant la crise mais les chiffres augmentent chaque semaine de manière régulière. Nous risquons de ne pas atteindre les objectifs de promotion de la mobilité douce et un engorgement massif du réseau routier», craint Corinne Rebetez, responsable communication de la Direction de l'aménagement, de l’environnement et des construction (DAEC) de Fribourg .
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Avec le déconfinement prévu ce lundi, une recrudescence de la mobilité est attendue. De quelle façon ? Personne ne le sait. Corinne Rebetez redoute principalement les déplacements professionnels en voiture mais également l’ouverture des commerces. Une crainte partagée par le co-secrétaire d’actif-trafiC, Thibault Schneeberger: «On risque d’assister à un afflux important, avec peut-être même un phénomène de rattrapage. Il ne faut pas oublier que l’auto est le principal mode de déplacement pour les loisirs et les achats.»

De son côté, François Launaz , président d’ Auto-Suisse, ne voit pas ce retour du véhicule individualisé d’un mauvais oeil. Au contraire: «Les écologistes oublient bien souvent de rappeler que de nombreux utilisateurs tels que les personnes à mobilité réduite, la population âgée, les professionnels, les ruraux... ont besoin de ce type de véhicules. Je trouve déplorable de profiter d’une terrible pandémie pour mettre en place toujours plus de limitations aux transports individuels et miser sur ceux en commun dont l’usage est pourtant déconseillé.»
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Néanmoins, les spécialistes de la route le savent: cette recrudescence de véhicules individualisés ne sera que temporaire. «Dans un premier temps, les habitués des transports publics qui pendulent sur de moyennes à longues distances vont utiliser leur véhicule privé à moteur. Les plus petits parcours se feront à vélo ou à pied mais à partir du moment où la propagation du virus sera stabilisée, la majorité des usagers vont revenir à leurs anciennes habitudes», décrit Laurent Pignot , porte-parole du TCS . Même son de cloche auprès de l’association motosuisse , convaincue que, après une période de transition de plusieurs mois, tout reviendra comme avant.
Relancer la machine (proprement)
Pour que ce retour à une mobilité propre se fasse au plus vite, les autorités vont devoir redoubler d’efforts. Notamment en communiquant. «Les transports publics de Suisse sont coordonnés. Ils ont établi un plan de protection et mettent tout en œuvre pour redonner confiance aux voyageurs. Une campagne nationale est en préparation», assure Aline Odot, porte-parole des Transports publics neuchâtelois. Avant d’ajouter: «Nous verrons surtout si l’insécurité sanitaire encourage l’achat d’un véhicule individuel ou si, au contraire, le taux de chômage en hausse redirigera la population vers nos services.»

Richelle Hartmann, chargée des relations publiques des Transports publics fribourgeois (TPF) , est quant à elle plutôt confiante: «Il faudra beaucoup de temps ainsi que des messages positifs pour inverser la tendance et ce désintérêt ponctuel pour les transports en commun. Toutefois, lorsque les bouchons seront de retour, la population se tournera à nouveau vers nous, c’est certain.»
Le directeur des Transports publics de la région lausannoise (TL) , Michel Joye, se veut plus pragmatique et vise 2021 pour un renouvellement d’affluence. «J’aime bien rappeler qu’une file de voitures de 500 mètres représente sur la route l’équivalent d’un bus plein. L’urgence climatique, pour lesquels les transports publics contribuent à diminuer l’impact, reviendra en force une fois la crise passée», indique le directeur des TL. Un nouveau service est d’ailleurs en préparation pour la mi-mai. Celui-ci permettra d’identifier le taux d’occupation des véhicules des TL lors d’une recherche d’itinéraire.
Des actions étatiques concrètes
Que ce soit à court ou moyen terme, le nouveau modèle de mobilité helvétique sera orienté par l’action des autorités. «Nous partons du principe que l’accroissement des investissements dans le transport ferroviaire et d’agglomération aura un impact sur le trafic», note Marc Rezzonico, communicant au DETEC. Cependant, il faut rester lucide, en raison des règles sanitaires les opérateurs de transports en commun ne pourront pas fonctionner normalement ces prochains mois.

A Genève, les TPG ne devraient charger leurs véhicules qu’à 40% de leur volume usuel. «Au niveau cantonal, pas moins de 56’000 déplacements pendulaires devraient être entravés aux heures de pointe par les mesures en cours. Seul un tiers d’entre eux devraient être redirigés vers la mobilité douce, selon les projections», soutient Roland Godel, porte-parole du Département des infrastructures de Genève . Selon lui, diverses actions vont être mises en œuvre au cours des prochaines semaines en faveur des piétons et des cycles afin d’absorber une partie du réseau routier.
Il est par exemple envisagé d’introduire des clignotants pour la signalisation lumineuse de certains carrefours, avec selon les cas, la présence d'agents de circulation. Au niveau national cette fois, l’un des leviers d’actions principal reste le télétravail. Qu’il soit intégral ou partiel, que les horaires soient décalés ou étalés, il demeure la mesure la plus efficace pour éviter toute surcharge sur la route, dans les transports en commun ou dans les rues. Car comme le rappelle Vincent Pellisier , ingénieur cantonal et chef du service de la mobilité du Valais : «Les déplacements qui coûtent le moins cher en territoire, en énergie ou encore en temps, sont ceux que l’on n’a pas besoin de faire.»


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