La fin de l’âge d’or de l’économie suisse
Si l’immigration a fait bondir le PIB, il n’en va pas de même de la productivité, qui recule en raison du développement du secteur public. Un constat plutôt inquiétant pour l’avenir.
Malgré le ralentissement de l’activité économique entre les mois d’avril et de juin avec une croissance nulle par rapport au premier trimestre de cette année, la Suisse reste bénie des dieux.
Elle truste les premières places dans de nombreux classements internationaux (compétitivité, innovation, etc.) et obtient de remarquables résultats en comparaison internationale avec une croissance plus forte que ses voisins européens, un niveau de chômage très faible, une balance positive des opérations courantes et des finances publiques saines.
Si la majorité des indicateurs clignotent actuellement au vert, l’avenir s’annonce cependant plus difficile avec les conséquences négatives qu’entraîneront la poursuite probable du marasme économique européen, la fin du secret bancaire, l’adoption de l’initiative «Contre l’immigration de masse», la révision des statuts fiscaux spéciaux en faveur des multinationales étrangères, la baisse de l’activité dans la construction, la suppression possible des forfaits fiscaux pour les contribuables étrangers, le déclin démographique de l’Allemagne (notre principal partenaire) et le vieillissement de la population en Suisse.
L’âge d’or de l’économie helvétique a donc peut-être pris fin au deuxième trimestre de cette année. Les conjoncturistes ont d’ailleurs révisé à la baisse leurs prévisions pour 2014 et 2015. Pour Credit Suisse, il n’y a aucun doute: «Le «supercycle» suisse touche à sa fin.»
«Nous assistons à un changement de paradigme», avertit Stéphane Garelli, professeur à l’IMD à Lausanne. «Dans le futur, explique-t-il, la croissance restera plus ou moins molle, alors que les coûts fixes que devra supporter le pays augmenteront de manière drastique dans les domaines de la santé, des infrastructures et de l’énergie. La Suisse devra compenser cet écart grandissant entre ses recettes et ses charges par une présence accrue sur les marchés étrangers et des innovations technologiques.»
Les défis que devra relever l’économie helvétique se lisent déjà dans une statistique qui ne laisse pas d’inquiéter: l’évolution du produit intérieur brut (PIB) réel par habitant (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) s’est avérée nettement plus faible au cours de ces dernières années que celle du PIB total. «L’évolution positive du PIB suisse est moins impressionnante si on la ramène au PIB par habitant», constatait une publication du Secrétariat d’Etat à l’économie au printemps 2013.
Elle est aussi moins époustouflante en comparaison internationale. Selon les calculs de Credit Suisse, la hausse du PIB par habitant s’est élevée à 1% en Suisse contre 1,2% dans l’Union européenne entre 2000 et 2012. Même s’il faut prendre ce dernier indicateur avec une certaine prudence, il reflète néanmoins une tendance lourde.
Depuis plus de dix ans, la croissance a surtout été alimentée par l’immigration. Laquelle a fait bondir le nombre d’habitants. Parallèlement, la productivité globale de l’économie ne s’est pas améliorée. Les performances du secteur privé, en particulier de la pharmacie/chimie et de l’horlogerie, ne sont pas parvenues à compenser celles, évidemment inférieures, du secteur public.
D’autant que, dans ce domaine, les besoins ont entraîné la création de nombreux emplois. Entre le quatrième trimestre de 2008 (soit au début de la crise financière) et le deuxième trimestre de 2014, le nombre d’emplois a progressé de 19% au sein des administrations publiques, de 16% dans la santé et l’action sociale et de 13% dans l’enseignement.
Ces trois activités ont représenté, à elles seules, 67% du nombre total des nouveaux emplois (+5,2%) créés pendant cette période dans le secondaire et le tertiaire. La croissance démographique n’est pas neutre. Selon son influence sur la structure de l’emploi, elle peut affecter le potentiel de croissance d’une économie.
Mise en garde - -
Si l’on divise non plus le PIB réel par la population résidente moyenne mais par le nombre d’emplois (en équivalents plein temps), le résultat est plus ou moins identique: le PIB réel par emploi a stagné entre 2008 et 2013. «Ce ratio est un indicateur plus relevant que le PIB par habitant car il se base sur le seul critère des postes de travail créés par l’économie. Il confirme une certaine faiblesse dans la progression de la productivité», souligne Claudio Sfreddo, chercheur associé auprès de l’Institut Créa de l’Université de Lausanne.
Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique montrent que «les heures effectivement travaillées» ont augmenté entre 2008 et 2011 (dernière donnée publiée), alors que la productivité horaire du travail a baissé au cours de ces quatre années. Autrement dit, ce paramètre est influencé négativement par la durée du travail et le taux d’emploi élevé de la population.
Dans son dernier rapport consacré à la Suisse, l’OCDE met en garde: «Au fur et à mesure que la population vieillit et que l’immigration ralentit, il faudra faire porter encore davantage l’accent de la politique économique sur des mesures visant à favoriser la hausse de la productivité, à exploiter les ressources de la main-d’œuvre inutilisée, en particulier des femmes, et à continuer d’améliorer l’intégration des immigrants de première et de deuxième génération.»
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