La nouvelle face du commerce en Suisse
Les habitudes de consommation changent, et s’accélèrent parfois. Plusieurs des tendances amorcées en marge des discussions sur le climat ont été renforcées avec le confinement. Autant Imadeo que Credit Suisse, Deloitte ou PwC dressent un état des lieux de la consommation en Suisse.

Moins de dépenses, davantage tournés directement vers les producteurs eux-mêmes: les Suisses ont dû s’adapter pour faire leurs courses en accord avec les mesures sanitaires. Une étude d’ Imadeo , société basée près de Genève, montre que presque la moitié des Romands ont réduit leurs dépenses de 20% ou plus.
La même étude estime que de nombreux consommateurs ont tout simplement reporté leurs achats. C’est d’ailleurs ce qu’avance également Deloitte , qui a interrogé environ 1500 personnes . L’entreprise de consulting distingue différentes catégories de produits. Elles sont plus ou moins touchées par les changements de consommation liés à la pandémie.
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Par exemple, une personne qui disait auparavant acheter son parfum dans des magasins traditionnels a peut-être choisi de le commander sur le web. Les experts de Deloitte mettent toutefois en garde: quelqu’un qui allait régulièrement dans les magasins ne devient pas forcément un féru du commerce en ligne. Il reste une part d’incertitude: «Beaucoup de consommateurs n’ont pas encore décidé de leurs habitudes d’achats futures, et c’est lié à l’incertitude de ce que sera le shopping dans les prochains mois.»

Acheter des habits est moins urgent que d’acheter de la nourriture. L'étude de Deloitte le montre bien dans le graphique ci-dessus. Dans le sondage d’Imadeo, 61% des sondés ont décidé d’annuler l’achat de bijoux. A titre de comparaison, d’autres secteurs souffrent simplement d’un report des achats, comme l’habillement, le bricolage ou l’équipement de la maison.
Ce phénomène est lié à différents facteurs. L’impossibilité d’aller dans certains magasins empêche purement et simplement d’acheter comme en janvier. Ce n’est toutefois pas le seul élément à prendre en compte. De nombreux salariés ou indépendants ont moins de revenus qu’avant. Chômage partiel, licenciement ou autres restrictions ont un véritable impact sur les dépenses des ménages.
Une étude de Credit Suisse chiffre la perte de gains des ménages à 15,3 milliards de francs pour les deux mois de confinement. Elle note que «les ménages ont donc économisé de l’argent pendant le confinement, et de manière significative: selon nos calculs, plus de 8 mrds de francs ont été mis de côté pendant les deux mois de confinement. En moyenne, par rapport à ce qu’il aurait économisé sans la crise du coronavirus, un ménage a ainsi pu mettre de côté plus de 2000 CHF supplémentaires – soulignons une fois encore qu’il s’agit d’une analyse généralisée.»

Dans un scénario optimiste, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’attend à une chute des volumes d’échanges internationaux de marchandise de 13% en 2020. Moins optimiste: une baisse de 32% est également envisagée.
« Les solutions Click&Collect ont également été de plus en plus proposées. Cependant, les chiffres de la semaine dernière, après l'ouverture du commerce de détail stationnaire non alimentaire, montrent que les gens ont du retard à rattraper et aiment visiter les magasins en personne. En particulier la parfumerie/beauté, les jouets, les produits de la vie courante, les enfants et le sport.» affirme Dagmar Jenni, directrice de la faîtière Swiss Retail.
Le report… et après?
C’est une chose que de décider d’acheter plus tard. Les consommateurs vont-ils réellement retourner à leur «vie d’avant»? Différentes études suggèrent que les habitudes seront tout-de-même bouleversées à long terme. L’ Office fédéral de l’agriculture (OFAG) avait relevé une forte hausse de la demande de différents produits. Les clients cherchaient de la viande, des œufs ou encore du lait.
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Credit Suisse évoque de son côté la fermeture des frontières. «Les ventes de nourriture ont enregistré une augmentation grâce à la fermeture des frontières (plus de tourisme d’achat) et avec la fermeture des bars et restaurants», affirme Tiziana Hunziker, économiste au sein de Credit Suisse. Autant de denrées qui sont accessibles dans des circuits locaux. Une partie des consommateurs s’est tournée vers des producteurs de la région.
Les grands centres, qui étaient presque des fourmilières, souffrent des conséquences liées au Covid-19. L’experte de Credit Suisse précise que les centres-villes auront probablement d’autres soucis que les zones résidentielles. «Les zones de bureaux et les stations ferroviaires ou aéroports autrefois très fréquentés ont perdu une partie de leur attrait pour les vendeurs. Le trafic pédestre va revenir lentement dans ces zones. Par contre, les magasins dans les quartiers résidentiels devraient eux bénéficier du coronavirus.»
Dagmar Jenni voit plusieurs scénarios selon la durée de la crise. Il y a celui des clients qui reprennent leurs bonnes vieilles habitudes, si la crise ne dure «que» trois à quatre mois. La directrice de Swiss Retail précise que cela est notamment lié à l’expérience des consommateurs. «Étant donné que les commandes en ligne pendant la fermeture n'étaient pas seulement positives (par exemple, longs délais de livraison, disponibilité peu fiable des produits), certains éléments indiquent qu'une bonne proportion des clients qui préfèrent faire leurs achats à un endroit fixe le feront à nouveau.»
Autre scénario: la crise à long terme pousse les personnes à consommer sur Internet. «Ce sont surtout les grandes plateformes qui en bénéficieront», ajoute encore Dagmer Jenni. Elle cite JD.com et Taobao qui avaient déjà dopé leur chiffre durant l'épidémie de SARS en Chine.
Pour Deloitte comme pour Imadeo, c’est bien la consommation de biens précis qui risque d’augmenter. Deloitte parle d’un renforcement de la tendance à consommer des produits durables et des expériences authentiques: «Les entreprises avec une culture d’entreprise forte, des objectifs entrepreneuriaux clairs et des pratiques commerciales éthiques seront sûrement mieux placées pour répondre aux besoins des consommateurs à l’avenir.»
Nicolas Inglard, d’Imadeo, estime quant à lui que ce sont les produits locaux, de proximité, de commerçants qui font attention au nettoyage et au gaspillage qui vont tirer leur épingle du jeu. De manière générale, les experts ne s’attendent pas à de grands vides dans les magasins, mais des changements sont bien à prévoir. Le commerce en ligne est dans beaucoup de cas un soutien à un acteur plus ou moins local.
Si les consommateurs recherchent du local, ils vont moins se tourner vers l’ultra-compétitif de groupes livrant depuis l’étranger. La crise a accéléré la mise en place de solutions de vente online. En témoignent les nombreuses plateformes qui ont vu le jour.
Reste à voir si ces plateformes vont s'inscrire dans la durée. -

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