Géraldine Fasnacht, Guillaume Néry: comment se financent les sportifs de l’extrême
Loin des salaires mirobolants des footballeurs, les sportifs de l’extrême construisent leur parcours sur d’autres modèles, et avec d’autres moyens. Rencontre avec deux icônes : Géraldine Fasnacht, championne de freeride et pionnière de la wingsuit et Guillaume Néry, champion d’apnée. -
Elle tutoie les nuages, il explore les abysses, on l’appelle la femme-oiseau et lui l’homme-poisson. Tous deux aiment la verticalité. Ces deux-là ont beaucoup en commun. Géraldine Fasnacht , et Guillaume Néry sont des sportifs de l’extrême, dans des disciplines qu’ils contribuent à définir au quotidien: wingsuit et apnée.
La Suissesse a commencé dans le snowboard freeride, très jeune, alignant onze victoires en compétitions Internationales, dont trois fois l'X-treme de Verbier. Elle découvre le parachutisme qui l’entraîne ensuite vers le basejump, et finalement la wingsuit. Pionnière, elle s’est fait une spécialité d’ouvrir régulièrement de nouveaux vols sur des sommets, dans le monde entier, de La Terre de Baffin au Nord (Arctique) à La Terre de la Reine Maud au Sud (Antarctique), cette expédition a notamment donné lieu au film Holtanna, l'aventure Antarctique. Elle a réalisé l'ouverture du sommet du Cervin en Wingsuit en 2014, sauté de nuit au-dessus du Grand Combin , exploré le Mont-Rose et le couloir Marinelli.
Elle vient de passer son diplôme de pilote d’avion de montagne et parmi ses projets du moment, il y a celui de rencontrer des personnes extraordinaires dans des sites naturels incomparables.
Guillaume Néry est Français. Il a découvert l’apnée à 14 ans et a rapidement rejoint l’école de Nice, dirigée par Claude Chapuis, qui au cours des années 90 a contribué à construire l’apnée comme un sport reconnu et accessible pour le grand public. Il a été le plus jeune apnéiste à obtenir un record du monde en poids constant –descente et remontée à la seule force des palmes- à 20 ans, atteignant -87 mètres. Dans cette discipline reine, qu’il maîtrise au mieux, il réalise plusieurs records du monde : -96 mètres en 2004, -109 mètres en 2006, -113 mètres en 2008, -117 mètres en 2011. En 2015, lors d’une compétition préparatoire il atteint les -126 mètres à deux mètres du record du monde de l’époque, -128 mètres. Mais quelques jours plus tard, alors qu’il se prépare à battre ce record, et prépare une descente à -129 mètres, il se blesse lors d’une compétition en descendant accidentellement à -139 mètres, suite à une erreur des organisateurs. L’accident est sans gravité mais il décide, suite à cela, de s’éloigner de la compétition. Le 24 juin 2018, il effectue une plongée à 105 mètres en simple maillot de bain.
En parallèle à la compétition, il produit depuis 2010 une série de films avec sa compagne, l’apnéiste Julie Gautier. Leur première réalisation, Free Fall, tournée au Bahamas est un succès planétaire sur YouTube (26 millions de vues à ce jour). D’autres suivront : Narcose , Ocean Gravity … Des tournages qui lui apporteront des nombreuses sollicitations. En 2015, il tourne ainsi pour Beyoncé, dans le clip sous-marin de la chanson ‘ Running ’.
Alors que les salaires mirobolants des footballeurs défrayent la chronique à chaque mercato estival, combien gagne et comment vit un sportif de l’extrême?
Quelques faits tout d’abord. Tous deux vivent du sponsoring et disposent d’une communauté solide sur les réseaux sociaux. Alors que Géraldine Fasnacht a tout construit sur Facebook (24 000 followers, contre 7730 sur Instagram), Guillaume dispose du même ratio, mais il est d’abord actif sur Instagram . Les sponsors principaux de Géraldine Fasnacht sont: TAG Heuer, le Centre Porsche Lausanne, Verbier Pure Energy, Julbo Eyewear, ABS Airbag System. Ses partenaires, Realfly, Adrenalinbase, Phoenix-fly, Wessex Academy, Jones Snowboard, Horus, Petzl, B. Violier, W Hotel Verbier, EagleValais. Ceux de Guillaume Néry sont Cressi et Panerai.
Conférencière, pilote, exploratrice, Géraldine Fasnacht totalise une participation à douze films et a déjà fait l’oeuvre d’un ouvrage, Géraldine Fasnacht, Amour de l’adrénaline et de la nature.
Conférencier, professeur, réalisateur, Guillaume Néry partage son temps entre les stages d’apnée, les masters class, conférences, les tournages, et continue à développer de nouveaux projets. Il a raconté son histoire dans l’ouvrage Profondeurs .
Peut-on gagner sa vie avec cette passion, qui associe sport et esthétique? Comment la conserver intacte malgré la course inévitable aux financements –pour des projets parfois risqués, coûteux, parce qu’inédits- ? Comment continuer à explorer ses propres limites ? Qu’est-ce que cela implique sur son emploi du temps, ses projets personnels? Nous leur avons posé la question.
Avez-vous toujours imaginé pouvoir vivre de votre passion? Etait-ce impensable?
Géraldine Fasnacht: Pas du tout. Freerider professionnel, cela n’existait pas. Pour moi c’était une passion c’est tout. Grâce à mes parents j’ai pu apprendre à skier très tôt car nous allions tous les week-ends et les vacances à Verbier ce qui a été une chance énorme pour moi.Tous deux m’ont fait comprendre que dans la vie il y avait le travail et la passion, que c’était deux choses différentes, et que pour travailler à fond pour une chose qu’on aime, il faut pouvoir s’assumer. Après une scolarité normale, j’ai donc cherché un apprentissage de commerce, car je voulais entrer dans la vie active pour financer ma passion pour le snowboard. Je suis entrée en apprentissage chez Swissair à Genève, j’ai dû prendre un appartement à 16 ans et à la fin du mois il ne me restait pas grand-chose. Mes parents me soutenaient, mais j’ai appris la vie comme ça. Et je savais que si je faisais de petits boulots, c’était pour faire du snowboard. A 18 ans, comme j’ai pu profiter de billets réduits à la fin de mon apprentissage, j’ai réalisé mon rêve de toujours, partir rider la cordillère des Andes.
Guillaume Néry: Dès 10 ou 11 ans j’ai eu envie de devenir professionnel, disons qu’il n’y a pas d’autre perspective qui m’emballait. J’ai été très rapidement séduit par l’idée de vivre une vie anormale. La normalité me faisait peur, les métiers potentiels qui s’ouvraient à moi ne me motivaient pas. J’ai suivi la filière S (spécialité mathématiques à partir du lycée, ndlr), j’ai étudié les sciences du sport, j’ai voulu faire un doctorat. J’étais bon élève, mes parents auraient souhaité me voir dans une grande école, devenir ingénieur. Mais j’ai découvert l’apnée à quinze ans et dès lors j’ai compris que tout métier normal viendrait en conflit avec ma carrière d’apnéiste.
Et très rapidement, je suis tombé sur des images d’Umberto Pelizzari (champion d’apnée ndlr). Je voyais ses records, les vidéos de ses films, je voyais qu’il avait des sponsors, je le voyais comme un modèle, une idole…et c’était le seul, à l’époque, qui vivait de cela. Il y avait aussi Loïc Leferme, un espoir à l’époque, qui était un peu comme un grand frère pour moi, il a réalisé ses premiers records quand j’avais 16 ou 17 ans. J’ai su que je voulais faire cela. En première ou terminale (vers 17-18 ans ndlr), j’ai progressé, découvert mes grandes capacités et je suis devenu l’un des meilleurs Français.
Comment êtes-vous passée professionnel(le) ?
Géraldine Fasnacht : Après les Andes, je suis retournée travailler mais le snowboard a commencé à prendre de plus en plus de place et j’ai gagné des compétitions régionales. A 21 ans, on m’a proposé de participer à l’X-treme de Verbier. J’en rêvais depuis que j’avais 15 ans. Mais au même moment, je venais d’obtenir le poste de mes rêves à l’aéroport de Genève (load controller, dont le rôle est de manager tous les corps de métiers autour de l’avion afin de partir à l’heure et surtout réaliser au mieux la répartition des charges à bord). Je bossais à 100%, j’avais un bon salaire… et j’ai compris que je ne pourrais pas faire les deux. Afin d’être à la hauteur pour pouvoir rider le Bec des Rosses à l’X-treme de Verbier il me fallait pouvoir m’entraîner beaucoup plus que juste les week-ends. J’ai dû changer de vie. J’ai trouvé un travail, dans l’agence de voyage de Verbier, je m’entraînais le matin, et travaillais l’après-midi et le soir en extra dans un restaurant. C’était difficile de tout concilier mais je vivais un rêve éveillé ! Et à Verbier, un endroit magique. Le métier de rider professionnel n’existait pas à cette époque, je pensais toujours revenir à mon premier job l’année suivante. J’en ai beaucoup parlé avec mes parents, mon père n’a pas compris tout de suite ma décision. Ce qui a été salvateur pour moi: cette décision venait du plus profond de moi, Il fallait que je vive cette expérience, j’aurais regretté toute ma vie de ne pas faire l’X-treme. Et quand j’ai gagné cette année, mon père a été le premier à pleurer de joie.
Guillaume Néry: L’apnée n’existe toujours pas comme sport professionnel : on n’est toujours pas payé par une fédération ou un club. Pour moi être professionnel, cela signifie pouvoir gagner de l’argent par un lien direct avec son sport. Pour moi tout a changé en 2002, après mon premier record du monde. C’était après mes deux premières années en faculté de sport. J’ai eu un premier sponsor qui a pu m’aider à couvrir mes charges. En 2004, j’ai décidé d’arrêter mes études pour me consacrer à l’apnée. Un sponsor m’a financé de quoi prendre un loyer de quelques mois à la Réunion, où j’ai remporté mon record du monde en poids constant (-96m). Ensuite, je suis devenu pion (ndlr : surveillant) dans un lycée et je m’entraînais à côté. En 2005, j’ai donné ma première conférence pour laquelle j’ai touché 800 euros. Là, un partenaire m’a accordé 10 000 euros, ce qui m’a permis d’arrêter de travailler à mi-temps. J’ai choisi de me mettre au chômage, pour me consacrer à mon sport, dans l’idée de me dire «je m’y consacre à 100%, je vais y arriver, je vais survivre.»
Comment sont venus vos premiers sponsors et comment s’est construit la relation avec eux ?
Géraldine Fasnacht : Après cette première victoire, des sponsors se sont intéressés à moi et m’ont demandé de continuer les compétitions, j’ai signé mes premiers contrats en tant que professionnelle. Je n’ai jamais participé à l’X-treme de Verbier pour entrer dans une carrière professionnelle. Je voulais juste le faire une fois dans ma vie pour pouvoir rider au côté des meilleurs du monde. Si j’avais choisi le sport pour l’argent, j’aurais fait du golf ou du tennis… mais ce qui m’a toujours attirée c’était le ‘big wild’, pour tracer ma ligne.
Guillaume Néry : En 2006, j’ai obtenu un nouveau record du monde (-109 mères) et mon premier record du monde en équipe avec Morgan Bourc’his et Christian Maldamé. J’ai signé mon premier contrat de sponsoring sérieux avec la marque horlogère Ball Watches, qui me rapportait 19 000 euros à l’année, avec qui je suis resté 12 ans. Cela me permettait de m’en sortir en vivotant. Je donnais l’une ou l’autre conférence. J’étais toujours officiellement chômeur, et au départ j’avais monté une association qui couvrait mes frais, c’était une solution transitoire car je n’avais pas le choix: si j’avais monté une société immédiatement, je n’aurais pas pu payer les taxes. C’était vraiment la débrouille, la colocation etc.
Comment avez-vous monté votre business ?
Géraldine Fasnacht : J’ai dû créer mon entreprise en 2005. J’ai essayé de me faire conseiller, j’ai eu comme tout le monde de bonnes et de mauvaises expériences, qui m’ont appris à être plus clairvoyante. Aujourd’hui j’ai appris. Au départ, il a déjà fallu que je comprenne que j’allais être rémunérée pour faire ce que j’aimais le plus au monde, du snowboard, voyager pour aller rider dans des sites magnifiques ou faire des compétitions. J’ai dû apprendre le marketing, le retour sur investissement… Avec le recul, mon apprentissage chez Swissair, qui m’a permis de découvrir tous les services différents de l’entreprise a été extrêmement formateur : je suis passée du ticketing, au check-in, aux relations presse où j’ai découvert les connexions avec les journalistes, comment se prépare et se vend un projet…Travailler dans cette compagnie m’a aussi permis de voyager énormément, m’a apporté des contacts et des amis dans des corps de métiers différents, m’a ouvert sur d’autres choses, m’a appris à être multi-tâches. Il faut comprendre pourquoi un sponsor s’intéresse à nous, ou inversement. J’ai refusé ou arrêté certains contrats aussi, car pour moi c’est un rapport de personne à personne, il faut que je partage le même langage émotionnel avec l’entreprise et les gens avec qui je collabore. Si on a des valeurs bien ancrées en soi, et qu’on les connaît, qu’on sait les mettre en avant, les bonnes personnes viennent à vous.
Guillaume Néry : En 2007, j’ai renégocié mon contrat de sponsoring avec Ball Watches, je donnais toujours davantage de conférences et j’ai monté mon entreprise individuelle. En 2009, j’ai commencé à avoir suffisamment de prestations, on m’a sollicité pour des tournages publicitaires par-ci par-là, mais tout restait très raisonnable. J’ai fini par créer ma SàRL (Société à responsabilité limitée, ndlr) en 2009. En 2010, avec la totalité de mes sponsors je dois gagner 40 à 50000 euros par an, j’arrivais à en vivre. Et là, nous avons sorti Free Fall : les sollicitations ont alors explosé. Demandes de conférences, bien sûr. Mais j’ai aussi été contacté par une entreprise qui a souhaité acheter 30 secondes du film, que j’ai négociées à 85 000 euros, que j’ai utilisés pour acheter mon premier appartement. Fini la collocation !
Au-delà de ça, ce film m’a amené une notoriété, une audience que j’avais créée sur les réseaux sociaux. D’ailleurs aujourd’hui, je mise tout sur Instagram, des entreprises viennent me voir pour cela, pour cette audience. Et au fur et à mesure j’ai diversifié mes activités: outre le sponsoring et les conférences, la vente d’images issues de mes films est devenue une source de revenus. Cela dit, ce ne sont pas les images qui me rapportent de l’argent directement. Un film que je réalise, c’est plutôt une carte de visite qui me ramène toute une série de propositions. Si Beyoncé me contacte, comme pour Running, comme elle l’a fait, le tournage me rapporte peut-être 1000 euros directement. Mais cela attire en fait beaucoup d’autres personnes qui souhaitent travailler avec Julie et moi (la compagne de Guillaume Néry, Julie Gautier, également apnéiste, collabore sur tous ses projets de film, notamment comme cadreuse sur les tournages sous-marins).
Ce langage émotionnel, autour de quoi le construisez vous ?
Géraldine Fasnacht : La gestion du risque. Si je ne le sens pas, je ne le fais pas. Un sponsor comme TAG Heuer en ce sens est extraordinaire. M.Biver (CEO de la marque, ndlr) partage avec moi les valeurs de la terre. Lorsque je suis partie pour l’exploration du Mont-Rose je leur disais que je n’étais pas sûre de trouver un départ assez haut pour pouvoir voler en wingsuit. Leur réponse a été de me dire: ‘l’exploration en soi nous plaît, même si tu ne sautes pas’. M. Biver disait même que cela rendrait l’histoire plus intéressante ! Cela me permet de me surpasser en étant au côté de personnes qui me font confiance, c’est très important pour moi d’être proche de mes partenaires, et de pouvoir évoluer sans pression.
Mes sports sont souvent médiatisés, présentés à risque, de fous, trompe-la-mort… Moi j’ai décidé de faire de la montagne car cela venait du plus profond de moi. La wingsuit ou le snowboard, c’est pur. Mon but est d’attendre les meilleures conditions pour faire ce que j’aime. Comme une artiste, j’essaie de peindre la montagne. Dès que je regarde une montagne, je cherche ses lignes, je vois comment le soleil l’éclaire, à quel moment la lumière est parfaite, j’attends les meilleures conditions de neige pour rider ou de vent thermique pour voler. Et là démarre une préparation très intense. Dans un environnement où le départ du saut est court, il faut se préparer et se projeter à être dans un endroit singulier, avec des décisions drastiques à prendre rapidement et sans hésitation. Je n’ai pas droit à l’erreur. Réussir à me projeter dans mon environnement me vient de mon background de snowboardeuse, je m’y entraine depuis l’âge de 15 ans. Et avec le temps j’ai aussi appris à m’entourer des bonnes personnes, avoir une force de caractère assez grande pour dire non. J’ai une force et un amour de vie qui fait que je n’ai pas du tout envie de prendre des risques stupides.
Guillaume Néry : C’est un tout, dans tout ce que je fais j’essaie d’avoir des valeurs. Je défends beaucoup la créativité, y compris dans la manière de pratiquer son sport. Dans ce que je fais, que ce soient les stages que je donne ou mes projets, j’essaye de donner de la saveur, de sortir de la routine, de ne pas être mécanique. Je veux garder la passion, la fraîcheur, c’est la plus belle manière de partager. Les documentaires et les films, tous mes projets sont le reflets de cela: la volonté de garder un regard créatif sur tout, tout le temps, au quotidien, y compris l’entraînement. C’est une manière de voir la vie, garder ce regard neuf en permanence. L’esthétique et la passion font aussi pleinement partie de cette démarche et de mes valeurs.
Qui sont vos partenaires aujourd’hui ?
Géraldine Fasnacht : J’ai trois sponsors principaux : TAG Heuer, le Centre Porsche Lausanne, Verbier Pure Energy. Ensuite j’ai des partenaires équipementiers sans qui que je ne peux pas travailler: pour les wingsuits, les harnais de parachute ; c’est une collaboration: je leur fais des retours, on fait des modifications dessus. Je travaille aussi au développement d’un nouveau sac airbag, pour l’hiver prochain compact léger pour les femmes, avec ABS Airbag System.
Guillaume Néry : Cressi, qui propose depuis peu une ligne à mon nom. C’est une collaboration sur le long terme, sur le plan équipementier. Je touche des royalties sur la vente de cette gamme, et j’ai aussi un montant fixe. Ball Watch, m’a soutenu pendant douze ans, j’ai eu d’autres propositions, mais même si je savais que je pourrais trouver une marque prestigieuse et financièrement intéressante, je ne voulais pas les quitter pour une marque qui n’aurait pas, elle aussi, des valeurs familiales et durables. Lorsque Panerai m’a contacté, Ball Watch m’a assuré que je pouvais les rejoindre les yeux fermés. C’est un contrat de sponsoring très clair, qui prévoit notamment que j’accorde un certain nombre de jours par an à la marque.
Comment cela occupe-t-il votre temps ?
Géraldine Fasnacht : Il y a les projets sur le terrain et sur le matériel et le travail pour les sponsors proprement dit: publicités, photoshoots, events ponctuels. Mais c’est ce qui me permet de conserver du temps pour mes entraînements afin de rester au plus haut niveau, je dois pouvoir m’entraîner cinq jours par semaine.
Je fais aussi beaucoup de conférences en entreprises sur la gestion du risque. J’utilise mes projets, comme l’expédition en Antarctique sur la réalisation du premier saut de base jump du continent le plus au sud de la planète, ou le premier saut depuis le sommet du Cervin ou le premier saut du Mont Rose, en fonction de leur demande. J’essaie d’avoir les mots-clés qui correspondent à l’entreprise ou corps de métier. Il y a beaucoup de parallèles avec la gestion du risque dans une organisation : au niveau engagement quand je décide d’y aller, il faut que tout soit parfait, la motivation de l’équipe, les doutes à effacer, comment bien se préparer et se poser les bonnes questions… J’explique toutes mes étapes pour arriver à la réussite de mes projets et les images parlent ensuite d’elles-mêmes.
Guillaume Néry : Chaque semaine est différente, elle se partage entre l’administratif et les contacts qui représentent 40 à 50% du temps, le sponsoring, les entraînements, les relations publiques, les conférences, les travaux sur les films et les nouveaux projets. J’ai quitté le monde de la compétition pour le moment. On ne peut jamais dire jamais, peut-être que je pourrais y revenir, avec une autre approche. Avant c’était ma ligne de mire, mon plus profond ‘driver’. J’aime toujours me redonner des petits défis, pour me réexposer à la profondeur, mais repartir dans des choses plus engagées, à l’exemple du record que j’ai effectué en maillot de bain, récemment. J’ai une approche plus mature de la performance. Pour autant, je n’ai jamais arrêté de m’entraîner, je le fais tous les jours, je me prends le temps. Le corps est mon outil de travail et j’en ai besoin. J’ai réalisé que de ne pas m’entraîner ne m’allait pas. Je ne peux pas partager des valeurs si je ne les vis pas au quotidien. Je ne suis pas dans une logique de record du monde, mais depuis que je fais cela, c’est un très grand bonheur, car je suis plus efficace dans mon travail. Je n’ai pas à proprement parler un salaire qui me permette de m’entraîner. Depuis le début, je n’ai jamais identifié un temps fixe pour m’entraîner ou me reposer : j’ai saisi toutes les opportunités qui se présentaient, jonglé entre l’entraînement, la préparation des conférences, les démarches. Aujourd’hui, je gère toujours beaucoup de chose par moi-même, mais j’ai aussi un agent pour me représenter et une agence de presse. Je compte embaucher un assistant administratif à terme, car pour le moment c’est une tâche très prenante que je réalise seul.
Quelle part représente le sponsoring dans tout cela ? En êtes-vous satisfait(e) ?
Géraldine Fasnacht : L’entraînement et la montagne c’est 60% à 70% de mon temps, le reste c’est la préparation de mes nouveaux projets, les conférences, en incluant leur préparation. C’est la vie que j’ai choisie et quand je me lève le matin je suis vraiment heureuse. Bien sûr il y a eu des moments difficiles, avec des fins de mois, de saison, des dettes qui paraissaient insurmontables… mais c’est ce qui m’a rendue consciente de la valeur des choses et m’a permis de me construire sur le long terme et de durer car je suis passionnée par ce que je fais.
Guillaume Néry: Impossible de dire exactement quelle part de mon temps est prise par le sponsoring. Disons simplement que gérer toutes mes activités, c’est du non-stop. Je suis autodidacte. J’en ai beaucoup voulu au système de ne pas m’offrir la possibilité de juste pouvoir m’entraîner et faire mes compétitions. Mais au final c’est ce qui m’a permis de tout apprendre. Je pourrais être responsable communication d’une marque: j’ai appris tous les métiers, les stratégies de communication, le community management.
Sur toutes ces années, j’ai participé aussi à quelques campagnes de publicité, pour Biotherm, Mercedes Amg, les whiskys Johnny Walker et Nissan. Le whisky, c’est le plus gros contrat que je n’’ai jamais eu: 114 000 euros pour trois images qui n’ont pas été extrêmement vues. AMG m’a rapporté 50 000 euros, qui m’a permis notamment de financer un comptable. Aujourd’hui je peux me permettre de refuser des choses. J’ai notamment refusé une campagne photo pour une grande entreprise de l’industrie du textile, dont je ne partageais pas les valeurs. C’est un luxe de pouvoir refuser des choses, mais c’est aussi difficile d’être son propre patron: on a toujours peur que ces opportunités ne se représentent plus jamais. D’un autre côté, si on accepte tout, on n’a plus aucun plaisir.
A côté de cela, je suis en train de monter une marque de vêtements éthiques, durables. Je me suis posé les vraies questions, je me disais que je devais être cohérent. Je ne voulais pas faire du merchandising, mais un vrai projet qui fasse sens, avec de la créativité, du design, durable, original.
Je ne suis pas dans une logique de gagner toujours plus d’argent, je suis très content avec ce que je gagne aujourd’hui. C’est un équilibre à trouver, je ne suis pas dans l’avidité et prêt à tout sacrifier pour l’argent. Il faut une vraie discipline quand on vit de sa passion et que le téléphone sonne en permanence pour travailler sans mettre sa vie et son couple en danger. J’ai appris à couper aussi. J’essaie d’apprendre à faire de la musique, trouver du temps pour lire, j’ai toujours un livre avec moi.
De quelle liberté disposez-vous pour de nouveaux projets ?
Géraldine Fasnacht : Au cours de mes réalisations, j’ai rencontré des personnages incroyables, leur histoire de vie, leur engagement, humanitaire ou environnemental, leur vision sur le monde, leur expérience. Ils m’ont apporté tant d’énergie et d’inspiration ! J’ai envie de les présenter dans mon nouveau projet dans leur environnement qui est toujours un site naturel d’exception qu’ils ont choisi pour vivre et où je rêve de réaliser une ligne en snowboard ou en wingsuit. Certains sites sont difficilement accessibles et donc je m’y rends avec mon mini avion ultra-léger qui me permet d’atterrir sur la neige, la terre ou l’eau sur de très courtes distances.
Le budget pour ces expéditions n’est pas bouclé, on est encore en discussion avec des chaînes de télévisions suisses et étrangères. On attend de signer, s’il y a une diffusion, ce ne sera pas avant l’hiver.
Guillaume Néry : Depuis 2015, on sort un film chaque année (avec Julie Gautier, sa compagne, NDLR). Le prochain s’appelle One breath around the world , je l’ai en tête depuis 2013-14. J’avais envie envie de mettre en scène une odyssée, je voulais raconter une apnée imaginaire qui ait comme décor plusieurs endroits insolites atypiques du monde sous-marin. L’idée qui sera donnée au spectateur est celle d’une seule et même apnée, comme une grande odyssée, un grand voyage dans un décor onirique, qui amène du rêve, du fantasme. Nous avons enchaîné des tournages dans le monde entier, qui ont été extrêmement exigeants physiquement. Le travail de post-production est entamé et la sortie est prévue pour janvier 2019, un livre l’accompagnera. C’est moi qui finance une grande partie de ce projet, qui sera diffusé gratuitement en ligne, sur le modèle de Free Fall. L’idée, ici, aussi est que ce travail nous amène par la suite d’autres collaborations.
-105m with swimsuit and mono fin / PART 1. Shot during #niceabysscontest organized by @cipafreediving filmed by diveye.freediving supported by @cressi1946 - Une publication partagée par Guillaume Néry (@guillaumenery) le 12 Juil. 2018 à 2 :51 PDT
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