Dans les coulisses d'easyJet à l'aéroport de Genève
En pleine période de vacances, les équipes des compagnies aériennes sont sous tension. Comment se gère l'embarquement d'un avion avec ses passagers et bagages, mais aussi le kérosène, le catering ou le ménage? Exemple dans les entrailles des rotations d'easyJet à l'aéroport de Genève.

Aéroport de Genève-Cointrin, été 2017: des milliers de passagers ne décolèrent pas, leurs vols opérés par easyJet subissent des retards importants ou des annulations. Dans la presse régionale comme ici dans 24Heures ou dans la Tribune de Genève et sur les réseaux sociaux, les commentaires et récriminations se multiplient. En cause: les retards, la communication et aussi les explications sur les retards.
Au-delà de l'émotion légitime et des impacts humains et financiers de ces retards pour les familles qui s'envolent vers leur lieu de vacances se pose la question du modèle d'affaires des compagnies: les low cost sont-elles forcément plus sujettes à des retards fréquents et importants que les compagnies traditionnelles? Dans une analyse comparée des deux plus importantes compagnies de l'aéroport de Genève publiée en juin 2018 et portant sur les neuf mois précédents , la Tribune de Genève estimait que «en proportion du nombre de liaisons qu’elle assure – un tiers des vols de Cointrin – easyJet est aussi ponctuelle en moyenne que les autres compagnies».
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Dès lors, comment expliquer que la compagnie low cost ait été dans l'oeil du cyclone l'été dernier? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. A commencer par la part de marché d'easyJet, qui transporte 48% des passagers de l'aéroport de Genève: le moindre retard rencontre un écho bien plus important. Autre élément qui renforce potentiellement l'énervement des passagers, a fortiori en plein été: la sociologie des passagers, avec une clientèle plus familiale et pour laquelle un retard ou une annulation peut vite prendre des allures de psychodrame quand il s'agit de gérer des enfants ou des personnes âgées.
Enfin, le type de retards et leur ampleur a aussi un impact: si l'organisme Eurocontrol place la barre d'un vol «en retard» à 30mn par rapport à l'horaire indiqué au départ, easyJet serait, selon une étude menée par RefundMyTicket, la compagnie ayant le plus fort taux de retards compris entre 1h et 3h en période estivale avec 8,72%, devant KLM (7,54%) et Aer Lingus (7,49%) pour les compagnies opérant en Europe. Par contre, le taux d'annulation est parmi les plus bas chez easyJet: selon la même étude, seuls 0,57% des vols sont annulés, contre 2,7% pour HOP, 1,5% pour Lufthansa, 1,3% pour British Airways et 0,97% pour Air France.
Des délais serrés pour maintenir des prix bas
Une fois le constat effectué, il est intéressant de se pencher sur le déroulé des opérations. Et c'est là que le business model d'easyJet se déploie. «Chez nous, un avion basé à Genève (Ndlr: il y a 14 appareils basés à Genève et 11 à Bâle) peut effectuer quatre rotations par jour, avec deux équipages différents», explique Jean-Marc Thévenaz, directeur d'easyJet Suisse et lui-même ancien pilote. Ce lundi à 14h15, c'est d'ailleurs un A320 venant de Barcelone après avoir relié Londres Gatwick le matin qui arrive sur le tarmac; il repartira pour Ajaccio avant de finir par un vol vers Rome Fiumicino.
«L'équipage qui a fait Gatwick et Barcelone quitte l'appareil sitôt tous les passagers descendus, et un nouvel équipage prend la relève. Entre le moment où la porte de la cabine s'ouvre et celui où l'avion quitte le parking, l'objectif est de ne pas dépasser les 35 minutes: 7 minutes pour débarquer, 7 minutes pour le ménage, et 20 minutes pour embarquer les nouveaux passagers», détaille Boutros Maximos, responsable des opérations au sol à Genève pour easyJet. Pourquoi des délais aussi serrés? «Nous avons pour principe que tout avion qui vole nous rapporte de l'argent et tout avion au sol nous en coûte. Si nous voulons continuer à proposer à nos clients des tarifs parmi les plus bas du marché, il faut donc minimiser le temps entre deux vols», insiste Jean-Marc Thévenaz.
Sitôt l'appareil immobilisé, et pendant que la passerelle s'approche de la porte de l'avion, des techniciens sont déjà en action: vider le réservoir des eaux usées, recharger en kérosène, décharger les bagages, faire le plein d'eau potable, évacuer les déchets,... A l'intérieur, tous les passagers ont quitté la cabine et le nouvel équipage prend possession de l'appareil. En quelques minutes, les traces du passage des dizaines de passagers du vol de Barcelone ont disparu et l'appareil est prêt à accueillir ceux en partance pour Ajaccio. «Pour nous, il est très intéressant de disposer de salles de pré-embarquement, des espaces où les passagers attendent juste avant d'embarquer mais avec un contrôle des billets déjà fait», confie Boutros Maximos.
Car c'est très souvent lors de cette étape que le chronomètre peut dérailler et qu'un vol peut prendre du retard: «Une grande partie des retards sont dûs à des histoires de bagages, dont une majorité de bagages à main, explique Pauline Parein, responsable du personnel de cabine à Genève. Nous avons souvent des passagers qui ont des bagages trop volumineux par rapport à ce qui est autorisé, ou des coffres à bagage vite remplis et des passagers qui sont réticents à placer gratuitement leurs bagages à main dans les soutes. Il faut les convaincre et cela retarde l'embarquement».
Objets interdits dans les bagages en soute
Autre cas de figure avec des bagages qui peut générer des retards: les objets interdits en bagages en soute. «Nous n'avons plus le droit d'ouvrir des bagages sans la présence de leur propriétaire. Or, il arrive que certains passagers aient mis dans leurs affaires des objets interdits, comme des cartouches de gaz pour réchauds de camping en plein été, et nous devons faire venir le passager pour qu'il ouvre la valise ou le sac, sorte l'objet, puis referme le bagage qui sera ensuite remis dans le circuit, l'objet interdit étant pour sa part détruit», explique Boutros Maximos.
Pour repérer ces objets interdits en soute, les bagages passent par des portiques équipés de dispositifs à rayons X. Leurs étiquettes sont ensuite scannées quand ils circulent sur tapis roulant et distribués sur des chariots. Plusieurs contrôles humains ont encore lieu sur les étiquettes, jusqu'au pied de l'avion. Pendant que les passagers prennent place, leurs bagages font de même en soute, avec des techniciens qui les rangent entre des filets.
Les vols s'enchaînent, retards et avances aussi
A côté d'eux, le copilote inspecte la carlingue pendant que le pilote prépare son vol dans le cockpit. Le moindre choc, même le plus anodin, d'un véhicule ou même d'une personne, sur le fuselage doit être immédiatement renseigné, signalé et documenté dans la foulée à Airbus qui validera le décollage ou décidera de réparations. «Au cas où, nous disposons à Genève d'un appareil de remplacement qui peut remplacer un avion immobilisé au sol, mais évidemment, changer d'avion comme ceci peut aussi occasionner certains retards. Il en va cependant de la sécurité des passagers et on ne badine pas avec cela», confie Jean-Marc Thévenaz.
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A 14h58, l'embarquement est terminé, les portes sont fermées et l'aéronef quitte la porte pour gagner la piste d'envol: il va décoller avec plus de 5 minutes d'avance. Et atterrir à Ajaccio avec autant de secondes gagnées. Un gain de temps (uniquement si tous les passagers sont présents, évidemment) qui peut sembler anecdotique mais qui s'avère souvent stratégique: «Quelques minutes font toute la différence quand l'avion doit re-décoller moins d'une heure après avoir atterri. Certains aéroports sont tellement saturés que le moindre retard de deux ou trois minutes peut repousser le décollage d'une demi-heure ou plus, le temps d'affecter un nouveau créneau à l'appareil. Et un retard de ce genre peut se répercuter sur les liaisons suivantes que doit effectuer cet appareil», insiste Boutros Maximos.
Des aéroports saturés: voici l'autre cause majeure des retards. Genève n'est pourtant pas une plateforme saturée... «Non, à Genève il y a parfois un peu de marge sauf à certaines heures. Mais les aéroports britanniques et londoniens en particulier, ou encore Istanbul et quelques autres destinations sont très difficiles avec des taux de vols en retard dépassant parfois les 15 à 20%, toutes compagnies confondues», glisse Jean-Marc Thévenaz. Et le moindre retard pris dans le ciel anglais peut avoir de lourdes conséquences sur l'ensemble des vols en Europe: le Royaume-Uni reste l'épicentre de l'activité easyJet avec la base la plus importante à Gatwick (60 appareils stationnés sur place).
Une flotte jeune pour moins de pannes
Bagages, aéroports saturés, retards précédents répercutés... mais qu'en est-il de la flotte easyJet? «Nous avons l'une des flottes les plus récentes d'Europe et nos procédures d'entretien et de sécurité sont parmi les plus exigeantes», affirme le directeur d'easyJet Suisse. C'est à Genève qu'est effectuée toute la maintenance des avions suisses (basés à Cointrin ou à l'EuroAirport Bâle-Mulhouse-Fribourg), à l'exception des opérations les plus lourdes qui se fait en Angleterre ou à Malte.
Tous les A319 sont destinés à quitter la flotte easyJet à l'horizon 2021 au plus tard et les premiers A321Neo ont été livrés en Angleterre, easyJet Suisse devrait en bénéficier dans les mois à venir. Dans les années à venir, l'accent sera mis sur la prédictibilité avec des pièces changées avant qu'elles ne puissent potentiellement poser problème. «Sur 1000 annulations, 10 étaient dûes à des causes techniques voici quelques années, nous sommes arrivés entre 2 et 3 aujourd'hui et nous visons le 0 d'ici peu», résume Boutros Maximos.
Et quid des équipages? Pas de danger de pénurie de personnel de cabine: lors de l'intégration récente d'un nouvel appareil, plus de 1400 candidatures sont arrivées auprès d'easyJet pour les quelques postes proposés. A Genève, la compagnie dispose de 340 membres d'équipages cabine, «en majorité suisses tandis qu'à Bâle nous avons une forte proportion de collaborateurs qui vivent en Alsace voisine». L'incertitude se situe davantage au niveau des pilotes: la disparition de Swissair a tari la seule formation destinée aux résidents helvétiques, et easyJet compte aujourd'hui de plus en plus de pilotes étrangers, faute de spécialistes formés dans le pays. «Nous sommes en discussion avec les autorités pour soutenir un projet d'école d'aviation en Suisse qui permettrait de former à nouveau des Suisses à ces fonctions», confie Jean-Marc Thévenaz.
Restent enfin des causes exceptionnelles, comme les grèves. Ainsi, lorsque les contrôleurs aériens de Marseille ont observé un arrêt de travail voici quelques mois, c'est l'ensemble des vols transitants par le Sud de la France qui ont été touchés. «Certains vols ont eu plus de 600 minutes de retard, dix heures! Il a fallu contourner la zone et trouver des routes qui ne soient pas encombrées», explique Jean-Marc Thévenaz. Avec le préavis de grève des contrôleurs aériens de Genève, Sion et Zurich pour le 23 juillet, les voyageurs sont prévenus...
Informer et prendre en charge les passagers
Reste la question de l'information fournie par la compagnie en cas de retard. Suite aux incidents de l'été 2017, plusieurs facteurs explicatifs avaient été avancés par Thomas Haagensen, directeur commercial d’EasyJet pour l’Europe du Nord, interrogé par la Tribune de Genève à ce sujet : «De par sa situation géographique et les contraintes spécifiques du contrôle du trafic aérien, l’aéroport de Genève est particulièrement exposé aux retards liés aux orages», avançait-il alors, ajoutant que de nombreux retards avaient également été dûs à la ferneture d'une piste à Gatwick, aéroport déjà surchargé et que ces retards à Londres s'étaient logiquement répercutés sur les autres destinations, dont Genève. Quant à l'information, Jean-Marc Thévenaz l'assure: «Nous avons largement amélioré l'information aux voyageurs avec des alertes sur le smartphone via l'app, des mails et messages pour prévenir de modifications des horaires des vols, notamment via le Flight tracker qui donne les raisons du retard et sa durée estimée».
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De plus, en cas de retard important ou de vol dérouté ou annulé, les passagers sont informés de leurs droits: «Nous distribuons à tous les passagers en version papier le formulaire EU261 qui leur permet de bénéficier de compensations supplémentaires», assure Pauline Parein. Et d'ajouter que ces demandes consécutives à un incident de ce type sont traitées dans un délai maximal de 45 jours. Les procédures et formulaires sont également acessibles via le site web et l'application mobile. Enfin, dès que l'incident survient, le passager est désormais pris en charge: des rafraîchissements sont offerts à partir de 2h de retard, et la possibilité de reporter gratuitement le vol ou de l'annuler avec remboursement est offerte au-delà de 5h de retard.
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