Comment les entreprises infiltrent les salles de classe
Certaines entreprises élaborent des supports de cours qu'elles mettent à disposition des enseignants alémaniques. La Suisse romande est épargnée pour l'instant par ces pratiques qui visent «les clients de demain».

Qu'est-ce que l'énergie nucléaire? Quels effets secondaires peuvent avoir la pilule contraceptive? - - Pour y répondre, certaines entreprises fabriquent des fiches d'exercices à destination des enseignants alémaniques. Elles s'introduisent ainsi dans les salles de classe et accèdent aux clients et citoyens de demain. Ces pratiques n'existent pas en Suisse romande pour différentes raisons. - - La plateforme internet Kiknet, fondée il y a dix ans, met à disposition des fiches de travail en allemand sur environ 150 thèmes et dit enregistrer quelque 40'000 téléchargements par mois. Ce matériel gratuit pour les enseignants est financé par des entreprises, des associations, des organisations et des offices fédéraux. - - Il peut aider des professeurs stressés à préparer leurs leçons. Mais lorsque La Poste enseigne aux enfants l'écriture des lettres, la Coop la consommation «durable» et le PLR le paysage politique en Suisse, cela ne revient-il pas à arroser les jeunes de publicité même au sein de leur classe? Un coup d'oeil sur ces supports montre que certains ne sont pas au-dessus de tout soupçon. - - Publicité cachée - - Sur des documents consacrés à l'usage de la virgule, le logo du sponsor Victorinox apparaît à chaque page. Outre de grossières fautes de grammaire, le principal danger est que les entreprises se fassent de la publicité par ce biais. - - Des limites claires existent en matière de sponsoring, explique Beat Zemp, président de l'organisation faîtière des enseignants suisses (LCH). Premièrement, la publicité pure pour des produits et la «répétition constante de logos d'entreprises» sur les fiches de travail sont interdites. - - «Deuxièmement, les thèmes de société controversés ne doivent pas être présentés de manière unilatérale», poursuit Beat Zemp. - - Information tronquée - - Mais ces critères ne sont pas toujours respectés. Des documents sur la contraception sponsorisés par le groupe de chimie-pharmacie Bayer mentionnent ainsi plusieurs effets secondaires positifs de la pilule - comme des cheveux plus beaux et moins d'acné - mais pas de conséquences négatives. - - Sur des fiches scolaires mises à disposition par swissnuclear, un groupe d'experts en matière d'atome, le nucléaire s'en sort particulièrement bien dans la présentation des différentes sources d'énergie. - - Swissnuclear affirme que l'énergie nucléaire est présentée de manière neutre. Et d'ajouter que la prochaine fois que les fiches de travail seront actualisées, les événements liés à la catastrophe nucléaire de Fukushima devront toutefois être retravaillés. - - «Cas isolés» - - Le directeur de Kiknet Timo Albiez relativise: comme les sponsors sont variés, les jeunes peuvent se faire une image équilibrée. L'organisation environnementale Greenpeace a par exemple aussi droit au chapitre en matière d'énergie. - - Interrogé sur les logos et les placements de produits, Timo Albiez estime qu'il s'agit de «rares cas isolés». «Si nous mettions de la publicité partout, les enseignants ne voudraient plus utiliser notre matériel scolaire» et cela serait contre-productif, poursuit cet ancien professeur d'école secondaire. - - Selon la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, le sponsoring ne doit pas influencer les objectifs, les missions et les principes de l'école. Les apprenants ne doivent pas être lésés dans leurs droits et leurs libertés. Chaque canton applique ces règles différemment. - - En fin de compte, c'est à l'enseignant de choisir s'il utilise du matériel sponsorisé et comment il le fait. Le président du LCH Beat Zemp est convaincu que les professeurs sont à même de juger la qualité des documents et peuvent par exemple cacher les logos des entreprises. - - Culture romande différente - - Ces questions ne se posent pas de ce côté de la Sarine, où il n'existe aucune plateforme comme Kiknet. Georges Pasquier, président du syndicat des enseignants romands avance trois explications. - - En Suisse alémanique, les entreprises ont «le champ libre», car il n'existe pas de programme commun aux cantons. «Ici en revanche, le marché est moins intéressant», car les enseignants doivent se référer au plan d'études romand, dans lequel les sujets proposés par le privé ne s'intègrent pas forcément. - - Et d'avancer une raison «quantitative»: les futurs consommateurs sont moins nombreux en terre romande. Enfin, les francophones ne sont pas très friands de traductions de textes allemands parfois «un peu à côté de la plaque».
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