Berne cherche la parade pour soutenir les exportateurs
Cet été, le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, a eu des entretiens avec l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation afin qu’elle renforce ses prestations vers les PME.

«Il faut avoir le courage de reconnaître que nous ne pouvons rien faire à court terme. Agissons plutôt sur le long terme en améliorant les conditions-cadres de l’économie helvétique», lance Hans-Ulrich Bigler. La stratégie du directeur de l’USAM (Union suisse des arts et métiers) n’est pas sans arrière-pensées. Pour ce défenseur des PME, dont les revendications sont proches de celles de sa grande sœur Economiesuisse, il s’agit de profiter de la crise pour obtenir des avantages difficiles à décrocher lorsque la conjoncture est bonne. A quelques semaines des élections fédérales d’octobre, le Conseil fédéral vient de proposer un plan (hausse des fonds pour l’innovation, la recherche, les infrastructures, etc.) de deux milliards de francs pour soutenir la place économique suisse et, en particulier, l’industrie d’exportation. Mais il faudra attendre encore plusieurs mois pour en connaître le contenu. Or, en raison de la dégradation de la conjoncture mondiale et avec un euro proche de 1 fr. 10 et un dollar sous la barre des 80 centimes, la situation devient très difficile, voire dramatique pour beaucoup de PME, même si la chute de ces deux devises leur permet aussi d’acheter des biens intermédiaires à prix cassés. Le recul attendu des commandes se répercutera inévitablement sur l’emploi.
C’est dans ce contexte tendu que se réunira, le 25 août (le lendemain de la parution de Bilan), le conseil d’administration de l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation (ou SERV). A l’ordre du jour figure évidemment le franc fort. Doté d’un capital de 2,5 milliards de francs, cet établissement de droit public poursuit l’objectif suivant pour le compte de la Confédération: maintenir et créer des emplois en offrant des solutions d’assurance adéquates pour couvrir les risques de défaillance d’un client d’une entreprise suisse, et ce en complément aux produits proposés par des sociétés privées. Au cours de cet été, le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, a eu des entretiens avec la SERV afin qu’elle renforce ses prestations comme elle le fait depuis 2009 dans le cadre des mesures de stabilisation conjoncturelle prises par la Confédération au lendemain de la chute de la Banque Lehman Brothers.
Pas question de garantir un taux de change
Selon plusieurs sources, de nombreuses options axées sur le risque de change font l’objet d’analyses approfondies. Même si elle est réclamée par plusieurs acteurs politiques, une solution est déjà formellement écartée: il n’est pas question que la SERV garantisse un taux de change comme ce fut le cas dans les années 1970 et 1980. D’une part, comme cette opération s’était alors soldée par une perte de 900 millions pour la Confédération, cette dernière n’envisage pas de la renouveler aujourd’hui. D’autre part, les règles de l’Organisation mondiale du commerce interdisent l’octroi de telles garanties car elles sont assimilées à des subventions. Autrement dit, la SERV n’a qu’une possibilité: se concentrer sur le lancement de nouvelles assurances destinées plus particulièrement aux PME en leur offrant des facilités d’accès au financement. Ces prestations peuvent certes soulager les exportateurs, mais elles restent néanmoins insuffisantes pour obtenir de nouvelles commandes. Car avec un euro et un dollar aussi faibles qu’actuellement, le défi est de parvenir à lancer des offres qui permettent aux entreprises de rester rentables.
Un secteur difficile à évaluer
Si la Suisse hésite à se lancer dans une opération majeure, c’est parce qu’une politique de soutien à l’exportation s’annonce délicate à mettre en place. Car on connaît mal la typologie des entreprises présentes sur les marchés étrangers en dépit du fait que la Suisse figure parmi les principaux acteurs de la planète. D’après une étude publiée en 2009 par le Credit Suisse, seules 14,7% des entreprises industrielles (10 657) contribuent au commerce extérieur. Les micros et les petites PME sont relativement peu actives, alors que 55% des grosses PME (entre 50 et 249 employés) ou 1384 entreprises et 63,7% des grandes sociétés industrielles (+250 collaborateurs) ou 293 entreprises exportaient des marchandises en 2005. Au total, «plus d’un emploi sur trois dans l’industrie suisse est mis à disposition par une entreprise exportatrice». Ces chiffres, qui ne sont désormais plus récoltés par l’Office fédéral de la statistique, ne comprennent toutefois pas les sous-traitants qui approvisionnent l’industrie d’exportation. On ignore tout de leur rôle dans l’économie. Tout comme on ne connaît pas la valeur ajoutée réalisée en Suisse par les exportateurs: les données communiquées chaque mois par l’Administration fédérale des douanes (AFD) ne fournissent que des indications brutes sur le volume et la valeur des exportations (193 milliards de francs en 2010, dont les deux tiers concernent la chimie/pharmacie, l’horlogerie et les machines). «Dans plusieurs branches, on constate un va-et-vient important d’importations et d’exportations qui «gonflent» les statistiques du commerce extérieur. Mais ces dernières restent muettes sur l’importance des marchandises «made in Switzerland», autrement dit sur la création de richesse en Suisse», constate Sébastien Dupré, économiste à l’AFD. Ce phénomène a aussi frappé les auteurs de l’étude du CS. D’après leurs calculs, les branches des produits alimentaires, des matières plastiques, du textile et de l’habillement, du mobilier et de l’industrie automobile ont réduit la part de la valeur ajoutée brute dans leur production propre entre 1997 et 2006. Bref, «un niveau élevé d’exportations ne va pas nécessairement de pair avec une forte création de valeur nationale», affirment-ils. Faut-il dès lors laisser agir les forces du marché ou, au contraire, faut-il agir pour soutenir l’industrie d’exportation? Au risque de pratiquer une politique de l’arrosoir, la première solution doit l’emporter.
Mesures
Comment réagir à la force du franc?
1.Que peuvent faire les entreprises? - Couvrir les opérations en devises en utilisant les prestations offertes par les banques et par l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation (ASRE) - Tenter d’équilibrer les recettes et les dépenses en monnaies étrangères. - S’approvisionner davantage dans la zone euro. - Payer les importations en euros. - Augmenter le temps de travail sans compensation salariale.
2.Que peuvent faire la BNS et la Confédération? - Intervenir sur le marché des changes. - Injecter des liquidités via les comptes de virements des banques auprès de la BNS. - Arrimer le franc à l’euro. - Instituer un franc-or pour absorber la demande de francs. - Accorder un taux de change spécial à l’économie exportatrice et au tourisme. - Octroyer davantage de moyens à l’ASRE. - Réduire la TVA, les impôts et les charges sociales.
Interview
«L’arme de la BNS est à double tranchant» Titulaire de la chaire de macro-économie et d’économie monétaire de l’Université de Fribourg, Sergio Rossi estime que la BNS reporte son action sur les banques commerciales.
Bilan Les 3, 10 et 17 août, la Banque nationale suisse (BNS) a décidé, parmi les mesures prises pour tenter d’affaiblir le franc, d’augmenter les liquidités de 30 à 200 milliards de francs sur les comptes de virement que les banques commerciales possèdent chez elle. Comment faut-il comprendre cette décision de la Banque centrale? Sergio Rossi Les comptes de virement permettent aux banques commerciales d’avoir la liquidité nécessaire pour régler leurs opérations sur le marché interbancaire. En augmentant ces liquidités, la BNS espère que les gros instituts - UBS et Credit Suisse - achèteront des euros et des dollars sur le marché des changes pour juguler la force du franc.
B Pourquoi la BNS n’agit-elle pas directement? SR En 2010, elle a perdu 32,7 milliards en intervenant directement sur le marché des devises pour tenter d’affaiblir le franc. Avec les mesures qu’elle a prises ce mois, la Banque centrale évite d’avoir à enregistrer de nouvelles pertes dans ses comptes et se protège ainsi contre d’éventuelles critiques. Elle reporte son action sur les banques commerciales.
B Mais ces dernières pourraient utiliser cet argent à d’autres fins… SR Il revient évidemment aux instituts bancaires de choisir l’usage des liquidités disponibles considérant leur rentabilité. Par exemple, ils pourraient tabler sur ces liquidités pour accorder davantage de prêts hypothécaires. Cela accroîtrait à la fois les pressions à la hausse sur les prix et les risques de formation d’une bulle immobilière au plan national, exacerbant la surchauffe déjà observable à ce sujet dans plusieurs régions du pays. L’arme utilisée par la BNS est donc à double tranchant. Or, au cas où les banques ne contribueraient pas à lutter contre le franc fort comme elle le souhaite, la BNS a toujours la possibilité d’adopter des mesures macro-prudentielles à leur égard. Par exemple en augmentant la part des fonds propres qu’elles doivent exiger de chaque nouveau débiteur hypothécaire, au-delà de ce que le 17 août le Conseil fédéral a déjà décidé de faire avec effet au 1er janvier 2012.
B Le franc va-t-il s’affaiblir? SR A court terme, c’est possible. Mais, à moyen terme, la monnaie helvétique restera forte en raison des problèmes économiques très aigus au sein de la zone euro et des Etats-Unis.
Crédit photo: Dieter Enz/Photoshopping, Jean-Paul Guinnard/EOL
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