Aéroports: technologie et précautions pour la reprise du trafic
Alors que le trafic aérien reprend doucement en Europe, comment les aéroports et les compagnies aériennes font-elles face aux défis sanitaires et sécuritaires? Tour d’horizon des options et focus sur l’aéroport de Genève.

Entre fin mars et fin mai, le ciel suisse a été rendu aux oiseaux. Les mesures de confinement décidées par de très nombreux gouvernements à travers la planète mais aussi les fermetures des frontières ont fait chuter le trafic aérien passagers pendant de longues semaines. L’ International Air Transport Association (IATA) estime que la baisse du chiffre d’affaires des entreprises du secteur aérien s’établira à -55% en 2020.
Si de nombreux pays sont encore concernés par la pandémie, le trafic reprend progressivement en Europe. A Genève, le trafic qui enregistre généralement entre 400 et 500 mouvements par jour et 50’000 à 60’000 passagers quotidiens, était tombé au plus fort de la crise à moins de 40 mouvements et une centaine de passagers, dont un certain nombre liés à l’aviation privée.
Lors du week-end de la Pentecôte, du 30 mai au 1er juin, Cointrin a enregistré un premier vrai regain d’activité avec 500 passagers et entre 80 et 100 mouvements. Mais comment reprendre une activité normale alors que de nombreux défis se dressent, que les mesures de sécurité sont plus strictes que jamais et que le grand public se méfie des lieux confinés et des foules?
Face à ces défis, les plateformes aéroportuaires et les compagnies aériennes adoptent des stratégies très diverses. Ainsi, Swiss recommande le port du masque de protection, mais sans obliger les personnes qui refuseraient. Pour sa part, EasyJet impose cette mesure à ses passagers: «EasyJet opère dans différentes juridictions, souvent plus restrictives qu’en Suisse, on applique ces dernières», explique Jean-Marc Thévenaz, directeur d’ EasyJet Switzerland .
Suite aux contaminations sur les bateaux de croisière au début de la pandémie, de nombreuses personnes avaient pointé la transmission du virus par les systèmes de ventilation. Une crainte que les transporteurs aériens veulent combattre: des filtres à air spécifiques équipent les systèmes de ventilation des avions, «l’air est aspiré verticalement toutes les trois minutes. Il est filtré, pur, presque autant que dans un bloc opératoire», précise Lorenzo Stoll, directeur de Swiss pour la Suisse romande, tandis que Jean-Marc Thévenaz ajoute que cette solution permet de «filtrer 99,97% des impuretés».
Portiques pour détecter la fièvre
Pour réduire encore les risques à bord et dans les aérogares, les directions de certains aéroports ont voulu aller plus loin. En France et dans certains autres pays européens, les procédures d’embarquement ont été modifiées: pour les appareils avec une seule porte, l’embarquement des passagers situés à l’arrière de l’aéronef a été instauré, afin d’éviter que trop de personnes soient amenées à se croiser.
«Depuis la fin mars, nous avons engagé un travail de réflexion avec les 32 aéroports du groupe, ainsi qu'avec nos principaux partenaires, afin de définir un ensemble de mesures et d'établir des «corridors sanitaires», explique Edward Arkwright, directeur général exécutif d’ Aéroports de Paris (ADP) . Lors des contrôles de sécurité, la palpation par les agents a été supprimée: «En cas de doute, le passager repasse plusieurs fois par le portique de détection», ajoute Edward Arkwright.
Dans certains aéroports, les autorités ont souhaité détecter les personnes contaminées le plus tôt possible. Dans le terminal 2E de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle à Paris, des caméras thermiques sont à l'essai, à la sortie de la zone de livraison des bagages, afin de repérer les passagers fiévreux, potentiellement malades du Covid-19. De tels dispositifs sont relativement courants dans les aéroports asiatiques et notamment chinois, où le redémarrage de l’activité est intervenu dès le mois d’avril.
La technologie est largement utilisée dans un nombre croissant d’aéroports afin de détecter les cas de fièvre, d’autres usages sont possibles. Ainsi, à Roissy, un dispositif bourré de capteurs détecte les attroupements dans l’aérogare, tandis qu’un autre surveille en temps réel le niveau des distributeurs de gel hydroalcoolique mis à disposition des passagers et des employés.

Le recours à la technologie n’en est qu’à ses débuts. Pour Sébastien Fabre, vice-président chez SITA , l’intelligence artificielle est déjà à l’oeuvre: «Les aéroports ne sont pas dimensionnés pour offrir beaucoup d’espace. On travaille avec IA pour prévoir les files d’attente, les flux dans les aéroports. On peut utiliser ces mêmes technologiques pour organiser les flux et permettre distanciation sociale. On peut aussi mesurer en temps réel la densité dans certaines zones et prévenir les passagers en cas d’afflux ou de distances sociales non respectées».
Pour ce spécialiste des technologies aéroportuaires présent dans plus de 1000 aéroports à travers la planète, les caméras thermiques pour la détection des personnes fiévreuses peuvent faire du sens à l’entrée de l’aéroport et à descente de l’avion, mais le grand défi réside dans la gestion des flux de personnes, afin de limiter les contacts.
Au-delà des caméras thermiques, de l’internet des objets et de l’intelligence artificielle, la blockchain est également utilisée: «Il y a beaucoup de discussions autour de l’échange d’information, notamment sur les personnes testées. Or, la blockchain permet d’échanger des données de manière sécurisée tout en garantissant leur confidentialité. Aux USA, il faut donner les informations du passeport pour entrer dans le pays. Il y a des concepts de passeports sanitaires qui permettraient aux gens testés et qui sont sains d’éviter la quarantaine à l’entrée dans certains pays».
Recours au smartphone
Autant de solutions étudiées à la loupe à l’ aéroport de Genève . Cependant, aucun portique destiné à mesurer la température des usagers n’est encore installé à ce jour. «La solution des portiques est prête à être déployée, mais seulement si l’OFSP le recommande. J’imagine que c’est une mesure qui n’est pas forcément fiable non plus, car les mois écoulés ont montré que de nombreuses personnes peuvent être asymptomatiques. Cependant, au cas où cela deviendrait nécessaire, nous avons le plan et du matériel pour déployer ce dispositif», analyse Giovanni Russo, directeur des opérations de Cointrin.
Dans le deuxième aéroport de Suisse par le nombre de passagers, on mise avant tout sur l’information et la responsabilisation des passagers. Un plan de protection a ainsi été publié fin mai, avec une série de recommandation allant du port du masque dans l’aérogare et les salles d’embarquement au lavage fréquent des mains, mais également avec des mises en place de flux d’usagers, des opérations de nettoyage plus fréquentes des lieux, la mise à disposition de solution hydroalcoolique ou encore des vitres de protection des personnels en plexiglas.

Au niveau des bagages en soute, la dépose automatisées est fortement recommandée pour les compagnies qui l’offrent, pour éviter trop de manipulations des valises et sacs. Quant aux contrôles sûreté des passagers, ces derniers sont invités à scanner eux-mêmes leur carte d’embarquement, sur papier ou sur le smartphone. «Le smartphone est l’un de nos meilleurs alliés dans la lutte contre la propagation du coronavirus, puisque les procédures d’enregistrement peuvent être faites par chaque passager sur son téléphone, ce qui évite les files d’attentes aux guichets ainsi que la manipulation de documents par plusieurs personnes», note Giovanni Russo.
La task force Covid-19, mise en place depuis janvier, pilote ce plan qui prévoit différents stades selon les conditions de fréquentation de l’aérogare mais aussi en fonction d’une pandémie qui reprendrait de la vigueur en Suisse. C’est cette task force qui a notamment mise en place des patrouilles plus nombreuses dans l’aérogare, afin de faire respecter les mesures de distanciation sociale, et, le cas échéant, de suggérer de passer à une phase ultérieure du plan de protection, qui pourrait déboucher sur d’autres mesures pour les usagers.
Du côté de SITA, le smartphone est également vu comme un allié crucial en cette période: «A court terme, pas mal de solutions existantes peuvent être utilisées: enregistrement, impression de ticket de bagage, application pour renseigner en cas de perte de bagage sans aller à un guichet ou toucher un objet public dans un aéroport,… Le smartphone est un équipement auquel chaque utilisateur peut faire confiance. Le passager est aussi d’autant plus satisfait s’il peut faire des choses par lui-même. Nous travaillons sur le mobile comme une télécommande de l’aéroport», détaille Sébastien Fabre.

A moyen et long terme, si le smartphone devenait un outil utilisé par une grande majorité de passagers, cela pourrait aussi avoir d’autres impacts non négligeables: «Le passage à la solution du mobile va libérer des espaces occupés par des comptoirs et des kiosques afin d’avoir des espaces pour gérer des flux passagers. On pourrait enlever la plupart des kiosques et des comptoirs. Il y a là un avantage sanitaire, avec la possibilité d’avoir plus d’espace. Mais aussi un avantage écologique: on réduirait le nombre d’équipements consommateurs d’électricité. C’est un des grands enjeux pour notre industrie que de réduire son empreinte carbone et de penser à un développement plus durable à long terme, afin que les effets de la crise du Covid ne se répètent pas avec d’autres crises environnementales».
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