A Zermatt, sur le plus haut chantier d’Europe
Ils sont encordés et remontent péniblement du chantier situé un peu plus bas, à 3'880 m d’altitude. Il neige et le brouillard est épais. Un faux pas et c’est la chute sur le glacier du Théodule. En partenariat avec le consortium italien Cogeis Spa, l’entreprise Ulrich Imboden SA – géant de la construction haut-valaisanne - travaille en zone dangereuse et parfois à - 22 ° C pour installer le plus haut télécabine du monde à trois câbles. C’est au Petit-Cervin où la société des remontées mécaniques de Zermatt construit une toute nouvelle installation pour la saison d’hiver 2018-2019.
La quinzaine d’ouvriers vient de l’Italie voisine, de même que le matériel de chantier venu par la route et hissé par câbles depuis Cervinia: «C’est un travail très dur. A cette altitude, le rendement correspond au 60% de ce qui est réalisé en plaine», concède Marino Canetto, le chef de chantier venu du Piémont. Il a déjà travaillé dans le massif du Mont-Blanc. Ses maçons, charpentiers et manœuvres dorment sur place durant toute la semaine, juste au-dessus du self-service qui accueille surtout des touristes asiatiques. Deux mondes se dévisagent sans se parler.
Projet colossal
Le futur Petit-Cervin No 2 coûtera plus de 50 millions, alors que le Petit-Cervin No I avait coûté 20 millions à la fin des années 70, explique le chef de projet Anton Lauber. Tout est autofinancé par la société des remontées mécaniques ; elle a déjà investi 400 millions depuis 2002 dans les différents projets du pied du Cervin avec ses 270 employés à l’année: «Tous se sont avérés profitables».
Au lieu des deux grosses cabines à 100 places actuelles, ce sont 25 cabines à 28 places qui emmèneront les skieurs à 3’883 m en 9 minutes, une capacité horaire plus que triplée, de 600 à 2'000 personnes. Fini les longues attentes!
Les bennes seront carrossées par Pininfarina et construites dans le Tyrol italien par l’entreprise Leitner. Chaque câble porteur pèse 30 t et mesure 4,5 km de long. Il faudra une semaine pour les hisser sur leurs pylônes.
Comme des marins
Dès les travaux terminés côté Zermatt, un deuxième télécabine va prolonger le téléphérique depuis la frontière italienne, où débarquent les skieurs venus de Cervinia. Il y a du travail pour plusieurs années pour une cinquantaine d’ouvriers italiens ravis de l’aubaine financière. Ces frontaliers sont payés en francs lourds sans retenues fiscales, pour une durée de 100 jours de travail entre mai et octobre.
Tels des marins sur un bateau, le revers de la médaille est l’éloignement des familles et le manque de distractions: «Le soir, on joue aux cartes et l’on regarde la RAI,» commente Marino Canetto. Ou le clair de lune sur le Cervin qui leur sert de décor majestueux.