A Londres, les bonus narguent l’Europe
La loi européenne limitant l’attribution de bonus n’a eu aucun effet dans la City. Soutenues par leur régulateur et leur gouvernement, les banques l’ont ouvertement contournée.

Barclays : 2,4 milliards de livres, en hausse de 13%; Lloyds : 395 millions, en hausse de 8%; HSBC : 3,9 milliards, en hausse de 6%… Un an après l’annonce en fanfare d’une limitation européenne des bonus accordés aux banquiers d’affaires, les trois principales banques d’affaires britanniques n’ont en rien changé leurs habitudes.
Alors que les bonus attribués avant la crise s’élevaient à 19 milliards de livres, ils ont atteint 14 milliards l’année dernière, malgré la non-distribution de bonus par Royal Bank of Scotland . Une situation d’autant plus déroutante que le chiffre d’affaires de la banque d’investissement de Barclays a reculé de 9% et son bénéfice d’exploitation de 37% !
Dès le vote de la loi, les institutions financières britanniques avaient en effet lancé des réflexions pour trouver des moyens de la contourner. Avec toujours la même justification: «Ces changements législatifs (…) pourraient avoir un impact hautement dommageable sur notre position en termes de compétitivité dans plusieurs de nos marchés clés, notamment ceux situés hors d’Europe», assurait dès début août Douglas Flint, le président d’HSBC.
Les banques peuvent agir en toute transparence puisqu’elles possèdent le soutien inconditionnel de leur régulateur et de leur gouvernement.
Après que le chancelier de l’échiquier George Osborne se fut opposé en vain à l’adoption de la mesure bruxelloise, le Trésor a en effet saisi fin septembre la Cour européenne de justice afin d’obtenir son annulation. «Réglementer les rémunérations de cette manière va au-delà de ce que permet le traité européen», avait fait valoir l’un de ses porte-parole.
Andrew Bailey, l’actuel directeur exécutif de l’Autorité de régulation prudentielle, le régulateur bancaire, avait prédit dès le mois de mars que la loi «réduira la discipline du système mais ne réduira pas la rémunération globale. Elle instituera une culture de banques passant leur temps à trouver des moyens de contourner les règles.»
La loi précise que les banques ne sont pas autorisées à verser des bonus supérieurs à un an de salaire, voire deux en cas d’accord des actionnaires.
Le responsable britannique estimait ainsi que l’ensemble des banques britanniques seront obligées d’accroître leurs charges salariales fixes d’environ 500 millions de livres par an pour satisfaire leurs quelque 1300 employés concernés par la nouvelle législation.
De son côté, l’Autorité bancaire européenne a dévoilé, dans un rapport publié fin novembre, qu’en 2012 les banquiers d’affaires londoniens payés plus d’un million d’euros étaient 2188 – contre 374 dans l’ensemble des autres pays de l’Union européenne – et que leur bonus était alors en moyenne 3,78 fois supérieur à leur salaire fixe.
Coup double
Dans les faits, les trois principales banques ont concrétisé la prédiction d’Andrew Bailey: les salaires ont été fortement augmentés chez chacune d’elles. C’était évidemment la manière la plus simple d’accroître le bonus, dont le calcul dépend directement.
«D’ailleurs, cette décision devrait accroître l’attractivité des banques britanniques auprès des étrangers, notamment les Américains et les Asiatiques, car la part fixe du salaire est désormais plus élevée que jamais!», sourit Deborah Hargreaves, la directrice du High Pay Center, un think tank spécialisé sur les hauts salaires britanniques.
Afin de limiter ces coûts devenus fixes, alors que les bonus étaient variables, elles ont également déployé un nouvel outil: une indemnité liée à leur poste, qui ne peut donc être considérée comme un bonus.
Payée mensuellement, elle n’est pas non plus liée à la performance financière de son récipiendaire. Et rien n’indique dans la loi européenne que cette indemnité ne peut pas être utilisée dans le calcul du bonus, d’où le coup double opéré par ses utilisateurs.
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