«Il faut réorienter les exportations vers les pays émergents»
Pour l'économiste Sergio Rossi, les performances de l'économie suisse sont surtout dues à l'investissement et à la demande intérieure, qui compensent des exportations moins fortes qu'avant et qui devraient être réorientées.
Avec une croissance du PIB (Produit intérieur brut) de 0,5% entre avril et juin, l'économie suisse va au-delà des attentes des experts, qui tablaient sur une croissance plus molle (entre 0 et 0,4%). Une (légère) surperformance qui tient avant tout à une forte demande des ménages (+0,7%) et à des investissements massifs (+2,9%). - - Par contre, l'un des traditionnels moteurs de l'économie helvétique, les exportations, semble marquer le pas, alors même que les importations ont augmenté. Pas de quoi s'inquiéter pour l'avenir de la balance commerciale, qui doit toutefois réorienter ses débouchés, selon Sergio Rossi. Le professeur d'économie de l'Université de Fribourg voit la Suisse tirer son épingle du jeu grâce notamment aux pays émergents. - - la Tribune de Genève : Comment expliquer cette bonne santé économique suisse durable alors que les économies des principaux partenaires de notre pays donnent à peine les premiers signes d'une timide reprise? - - Sergio Rossi: - Au 2e trimestre, il faut constater que l'économie suisse a tiré sa croissance de son marché intérieur. Et principalement de la demande des ménages. L'un des éléments d'explication réside dans l'épargne accumulée par les familles suisses. - - Avec l'appréciation du franc par rapport à l'euro, certains avaient dénoncé le tourisme d'achat en Allemagne, en France, en Italie,... Au contraire, les économies réalisées par les ménages suisses ont permis d'augmenter leur épargne. Et toute cette épargne n'a pas été placée sur les marchés financiers: une partie est désormais dépensée en Suisse pour acheter des biens de consommation. - - Un autre élément d'explication de la forte demande intérieure réside dans la dépense publique. En Suisse, contrairement à de nombreux pays européens fortement endettés, il existe toujours des marges de manœuvre pour des dépenses de l’Etat. Et les responsables optent pour des investissements publics de long terme comme les voies ferrées transalpines. - - Un autre élément moteur réside dans l'investissement des entreprises. Que révèle ce bon chiffre de +2,9% au 2e trimestre? - - Il faut voir là essentiellement la confiance des chefs d'entreprises. Ils estiment que le taux de change franc/euro est durablement stable autour d'1,20 franc pour 1 euro. La Banque nationale suisse (BNS) tient fermement ce seuil minimum et les entreprises ont confiance. - - Cela permet aux entrepreneurs de planifier avec moins d’incertitudes leurs dépenses d'investissement, afin notamment de réorienter les exportations vers les pays émergents. - - Car, si la croissance en zone euro est durablement en panne malgré quelques signes fragiles d'amélioration cet été, le ralentissement chinois ne sera sans doute que passager. Le régime chinois a décidé de réorienter sa croissance de l'exportation vers la demande intérieure, afin de ne pas trop dépendre de la conjoncture mondiale. - - Les échanges avec l'étranger ont d'ailleurs moins tiré la croissance suisse au 2e trimestre qu'habituellement... - - Oui, et cela restera le cas tant que les marchés de la zone euro seront aussi importants pour les exportations suisses. Ces pays restent les grands malades de l'économie mondiale. Pour que les exportations suisses restent aussi dynamiques, il faudrait se recentrer sur les marchés émergents. L'accord de libre-échange Suisse-Chine va dans ce sens, mais il faut aussi viser l'Indonésie, la Malaisie, le Myanmar, le Vietnam, les Philippines... autant de marchés prometteurs. - - Cependant, pour que ce virage soit pris avec succès, et que les exportations suisses continuent d’entretenir la croissance de notre économie, il faut s'interroger sur la stratégie des entreprises exportatrices. Pour le moment, la Suisse fait essentiellement dans les produits à forte valeur ajoutée dans le haut de gamme. Avec le label suisse, le succès à l'étranger est garanti dans les pays à fort pouvoir d'achat. - - Mais pour viser les pays émergents, où les revenus sont moindres, les entreprises suisses doivent pouvoir proposer un autre rapport qualité-prix, plus adapté à ces marchés. Notamment en trouvant le moyen de baisser les coûts de fabrication pour arriver à des prix de vente moins élevés pour des produits d’entrée de gamme. - - Comment voyez-vous la croissance suisse évoluer dans les mois à venir? - - A priori, la tendance est à un maintien d'une croissance faible, entre +1 et +2,5%, plus précisément entre +1,8 et +2% en rythme annuel. Et cela devrait durer aussi longtemps que les exportations suisses resteront prioritairement centrées sur la zone euro. - - Il faudra également observer la politique de la Fed (Réserve fédérale américaine), dont les choix monétaires pourraient impacter le cours du dollar et de là l’ensemble des échanges internationaux. - - Au plan continental, les élections en Allemagne vont être importantes. Si la réélection d'Angela Merkel prenait des allures de plébiscite, elle pourrait être tentée de durcir sa position vis-à-vis des pays du Sud, ce qui risquerait de faire chuter l'euro. Pour la Suisse, le défi serait alors de maintenir le seuil minimum de change à 1,20 franc afin d'éviter une chute de ses exportations. Même si l'Allemagne, grande exportatrice, bénéficierait d’une dépréciation de l’euro, ainsi que, indirectement, les entreprises suisses qui exportent des biens d'équipement vers notre voisin du Nord. - - - -
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