«Avec Macron, les marchés gagneraient un répit»
Pour Yann Quelenn, analyste de marché chez Swissquote, les marchés soutiennent l'ancien ministre de l'économie et anticipent déjà sa victoire lors du duel du 2e tour de la présidentielle en France.
Les sondages avaient vu juste: le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, annoncé depuis début mars par les instituts de sondage, s'est vérifié lors du dépouillement dimanche soir. La dynamique de Jean-Luc Mélenchon sur les dernières semaines et le timide regain de forme de François Fillon n'auront pu empêcher l'élimination de ces deux candidats. Le 2e tour va donc opposer Marine Le Pen l'europhobe et Emmanuel Macron l'europhile. Le 7 mai, les électeurs feront donc un choix radical sur les options politique, économique, sociale et culturelle. Un choix que les marchés ont déjà fait, comme l'explique Yann Quelenn, analyste de marché chez Swissquote .
Bilan: Quels enseignements peut-on tirer des résultats de ce 1er tour?
Yann Quelenn: Le premier enseignement c'est que les sondages ne se sont pas trompés. Dans la foulée des votes sur le Brexit ou en faveur de Donald Trump en 2016, c'était "haro sur les sondages", avec une mise en doute constante des résultats, des méthodologies,... Or, quand on compare les dernières études d'opinion de la semaine précédant le 1er tour et les résultats définitifs communiqués par le ministère de l'Intérieur, on se rend compte que les différents instituts avaient vu très juste, non seulement pour les deux qualifiés, mais aussi l'ordre des cinq premiers et même les scores de chacun. Le deuxième enseignement que je tire de ces résultats pourra sembler à contre-courant de certains constats entendus dimanche soir, mais je maintiens que le bipartisme n'est pas mort en France: on prend les mêmes et on recommence. Il y a certes une apparence de recomposition, mais en réalité c'est surtout un autre visage et non d'autres positionnements: la véritable ligne de fracture n'est plus entre gauche et droite mais entre une économie libérale et ouverte et une économie protectionniste et avec un discours social.
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Pourtant, les deux grands partis qui ont dominé la vie politique de la Ve République ont vu leurs candidats battus...?
Je ne nie pas que les partis viennent de vivre une sévère défaite. Mais le ras-le-bol de la classe politique traditionnelle n'est pas nouveau. On peut dater la première manifestation de ce rejet à 2005 avec le vote sur le traité constitutionnel européen que la plupart des partis politiques traditionnels soutenaient. Et les signaux se sont multipliés depuis une décennie. Aujourd'hui, nous assistons donc à une redistribution des rôles mais, comme au théâtre, les rôles ne changent pas au fond, uniquement les interprètes de premier rang. D'ailleurs, au sein du mouvement En Marche, on ne connaît quasiment aucune tête d'affiche hormis Emmanuel Macron. Les partis traditionnels, eux, ne sont plus nécessaires quand il y a un programme et un positionnement marketing bien conçu. L'épreuve de vérité va se situer en juin, après les législatives: il est probable qu'il n'atteigne pas la majorité avec ses seuls candidats En Marche. Il devra alors réaliser une coalition et cela validerait la thèse selon laquelle gauche et droite étaient finalement relativement compatibles.
Et comment les marchés ont-ils réagi à l'annonce des résultats du 1er tour?
A l'ouverture des marchés lundi matin, on a clairement vu que les marchés et les banques étaient soulagés par le bon score d'Emmanuel Macron et la configuration du 2e tour. Il y avait ces derniers jours une forme de peur des marchés d'assister à un duel entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Une crainte d'ailleurs sans doute surévaluée par les marchés puisque, malgré des programmes moins favorables à une économie ouverte et libérale, aucun des deux candidats n'avait d'agenda sur une sortie de l'euro ou de l'Union européenne. Et même avec Marine Le Pen, il y avait la perspective d'un referendum. Or, quand on voit que près des trois-quarts des Français sont attachés à la monnaie unique, difficile de croire que le pays aurait pu en sortir. Lundi matin, on a donc assisté à un rally psychologique des marchés qui se sont dit qu'ils avaient gagné un répit de cinq ans sans inquiétude majeure sur les principales questions que sont l'euro ou les stratégies libérales.
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La victoire de Macron est-elle inéluctable?
Elle fait en tout cas peu de doutes. Rien n'est définitivement joué, mais tous les lieutenants de Jean-Luc Mélenchon appellent à faire barrage à Marine Le Pen, de même que la plupart des leaders de droite. Sauf improbable retournement de situation, c'est Emmanuel Macron qui devrait arriver à l'Elysée le 7 mai au soir. Quant à son programme, il devrait satisfaire les milieux économiques vu qu'il correspond aux Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE), ce document de recommandation rédigé à l'échelle européenne pour assurer la convergence des stratégies des partenaires au sein de l'UE. S'il suit ce qu'il a annoncé pendant la campagne, nous allons assister à de nouveaux transferts de souveraineté vers Bruxelles et à une relance de la construction européenne. Contrairement à d'autres, il n'a pas promis qu'il irait arracher auprès d'Angela Merkel des aménagements des traités. Et il faut être réaliste: c'est impossible de revenir sur des traités négociés à 27. Pour faire une comparaison, regardez la difficulté qu'il y a eu à organiser et définir le format des débats à 11 candidats. Et on ne parlait là que d'émissions télévisées. Alors imaginez le cas de figure d'une renégociation de traités internationaux avec 27 pays européens dont les politiques de long terme seraient touchées. Quoi qu'en disent d'autres candidats, toute renégociation est illusoire: il faut l'unanimité des états membres pour arriver à ce type de changement. Soit on accepte de continuer ainsi, soit on sort de l'UE.
Quelles sont les autres échéances politiques de l'année pour les marchés?
L'attention des acteurs va se tourner vers les élections allemandes à l'automne. Mais là aussi: l'alternance serait un non-événement comme en France, vu que le SPD de Martin Schulz est tout aussi pro-européen que la CDU-CSU d'Angela Merkel. Finalement, 2017 était annoncée comme l'année de tous les dangers pour l'euro et l'Union européenne. Il y avait beaucoup de craintes par rapport aux événements de 2016 avec notamment le Brexit et la montée des protectionnismes. Force est cependant de reconnaître que l'année en cours pourrait être une année plus paisible que prévu pour l'Europe et les marchés.
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