Nestlé pourrait-elle vendre ses activités dans l'eau minérale? En Suisse, où le géant de l'alimentaire vient d'investir massivement en rachetant Henniez, la question peut paraître absurde. Mais au vu des mauvaises performances de ce secteur stratégique depuis plusieurs années, l'hypothèse n'est pas totalement farfelue.«Il n'y a pas de dogme chez Nestlé, souligne un ancien de la multinationale veveysanne. Tout est toujours ouvert à la discussion, en théorie.»L'eau minérale, qui génère un dixième du revenu de la multinationale, est aujourd'hui en mauvaise posture. En 2008, l'unité Nestlé Watersa pour la première fois connu une croissance organique négative (-1,6%). La tendance se poursuit cette année, avec un recul de 2,5% durant le premier trimestre de 2009. Quant à l'indicateur-clé chez Nestlé, le «real internal growth» (qui prend en compte le volume des ventes plutôt que le chiffre d'affaires), il est encore plus alarmant: -3,9% en 2008 et -4% au premier trimestre de cette année.Ces chiffres traduisent la stratégie du CEO de Nestlé Waters John Harris, entré en fonctions fin 2007, qui a coupé dans les volumes pour tenter d'améliorer la rentabilité du groupe. En vain. La marge opérationnelle des eaux minérales, qui était de 8,7% en 2006 et 8,2% en 2007, a plongé à 6% en 2008 (comparée à 14,3% pour l'ensemble de Nestlé l'an dernier). Desservi par une saison d'été médiocre et une polémique sur l'impact écologique des eaux en bouteilles, Nestlé Waters a souffert en Europe et aux Etats-Unis, où il réalise 90% de ses ventes. Résultat: l'unité des eaux minérales est aujourd'hui étranglée par ses coûts fixes, notamment dans la distribution.Alors vendra, vendra pas? Malgré les difficultés actuelles, une vente de ces activités paraît hautement improbable à court ou moyen terme, pour plusieurs raisons. «D'abord, il est trop tôt pour dire si les mauvais résultats de l'année dernière sont dus à des facteurs météorologiques ou s'ils sont liés à un vrai changement de comportement des consommateurs», estime James Amoroso, analyste financier spécialisé dans l'industrie alimentaire. A cela s'ajoutent encore les effets de la récession, qui compliquent actuellement la donne.Le bébé de BrabeckQuant à la discussion autour de l'impact écologique des eaux en bouteille, très présente aux Etats-Unis et en Angleterre, Nestlé paraît désormais en position de force. En mai dernier, le lobby américain des minéraliers a pu empêcher l'entrée en vigueur d'une taxe sur les bouteilles d'eau minérales à New York. En Suisse, l'initiative parlementaire du conseiller national Jacques Neirynckvisant à abolir la production et la vente d'eau minérale en Suisse a été sèchement refusée. Même si le débat n'est pas mort, les mesures visant à restreindre la liberté de commerce des producteurs d'eaux minérales semblent clairement voués à l'échec.Mais le plus important, c'est que Nestlé Waters est le bébé de Peter Brabeck, ancien CEO et actuel président du groupe alimentaire. Une vente de cette activité serait un désaveu de toute sa stratégie visant à transformer Nestlé en une entreprise de santé et bien-être. «Le paradoxe, souligne un observateur avisé du secteur, c'est que les produits infantiles, la gamme Maggi et le Nescafé demeurent les vaches à lait du groupe. Pour que Nestlé se retire de l'eau, il faudrait carrément que le bénéfice de la société dans son ensemble s'effondre de 25 ou 50%. Mais pour l'instant, rien ne bougera car aucun membre du conseil d'administration n'a le moindre intérêt à prendre un vrai risque de ce type.»
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