Comment Baselworld sévit contre les contrefaçons
Dans les allées feutrées du salon, les gardiens de la propriété intellectuelle veillent.
Par Cloé Bernier, Julie Liardet, Marc Menichini et Lassila Nzeyimana, le 14 mars 2012
Bâle, jeudi 8 mars 2012, Baselworld vient tout juste d’ouvrir ses portes au public. Et déjà le panel travaille sur deux plaintes. Le panel, c’est un tribunal arbitral mis en place par la direction du salon dont le rôle est d’examiner sur place les litiges concernant les infractions des droits de propriété intellectuelle. Et punir, si nécessaire. Devant nous, deux membres de l’équipe qui compte sept juristes partent à toute vitesse établir un constat sur le stand d’un contrefacteur potentiel dénoncé par une grande marque. Aucune des parties n’a souhaité révéler son identité, ni s’exprimer sur l’objet du différend, discrétion oblige. «Le nombre de plaintes est en nette diminution, souligne Paul Rüst, président du panel. En 2011, nous avons statué sur une vingtaine de cas seulement. Les entreprises étrangères maîtrisent mieux le droit suisse.»
Des effets limités
«95% des plaintes que nous déposons concernent des violations du droit sur le design», relève Philippe Azzola, avocat au barreau de Genève. Mais «le droit de la marque, le droit d’auteur et des brevets ainsi que la concurrence déloyale peuvent aussi être concernés,» complète Paul Henri Pittet, juriste et membre du panel. Parmi les sanctions ordonnées: retrait immédiat et interdiction de commercialisation des modèles incriminés et paiement d’un émolument de 4000 francs. Comme ces décisions n’ont d’effets qu’intra muros, que se passe-t-il après Baselworld? «Nous cherchons un accord avec l’exposant, répond Philippe Azzola, actif sur place. La plupart du temps, il met un terme à la commercialisation du produit litigieux. Pour les récalcitrants, nous plaidons devant la justice ordinaire.» L’avocat envoie parfois un collaborateur se faire passer pour un acheteur afin de piéger les contrefacteurs: «Ils viennent plutôt d’Asie et d’Europe continentale.» Les grands groupes horlogers et joailliers ont eux aussi leur stratégie de lutte. «LVMH a recours au panel, déclare Ricardo Guadalupe, CEO de Hublot, qui appartient au N°1 mondial du luxe. Nous avons aussi trois juristes spécialisés qui font le tour des stands avec les visuels des nouveaux produits de tout le groupe.»
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Crédit photo: Keystone